Mondial 2018 : des stades de football aux terrains géopolitiques (BRET sur HuffPost)

L’équipe de France est qualifiée : le supporter est soulagé. Messi a sauvé l’Argentine d’un triplé : l’esthète est comblé. Le géopoliticien peut maintenant entrer sur le terrain. Comme toutes les compétitions internationales, le Mondial aura un fort impact culturel, diplomatique et économique. Mais le Mondial 2018 aura une signification particulière en raison de son lieu – la Russie – et de sa date – du 14 juin au 15 juillet 2018. Malgré la « glorieuse incertitude » du sport et des relations internationales, l’observateur attentif et le fan exigeant peuvent déjà identifier certains enjeux.

Retrouvez la tribune ici : Bret FIFA Wordlcup 2018

Repris sur fottballski : Mondial 2018

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Russie : éviter les tacles des Jeux Olympiques de Sotchi 2014

Pour la Russie, pays hôte, la priorité sera d’éviter le bilan d’image en demi-teinte des JO d’hiver 2014 : au classement des médailles, la Russie avait obtenu la première place ; mais le pays avait subi des tirs de barrage politiques : annexion de la Crimée, guerre dans le Donbass, législation sur des homosexuels, etc. L’annulation du G8 prévu en mars 2014 à Sotchi et surtout l’adoption de sanctions économiques avaient constitué une série de revers pour l’étoile de la Russie. Eviter de tels camouflets sera le premier objectif du Mondial 2018 pour la Russie.

UE : préserver l’esprit d’équipe

Les Européens auront à choisir leur style de jeu diplomatique. Opteront-ils pour un jeu rugueux comme en 2014 où le président Hollande et la chancelière Merkel avaient décliné l’invitation aux JO ? Ou bien essaieront-ils la conciliation en assistant à des matches ? En filigrane, se joueront la solidarité de l’UE avec l’Ukraine et les Etats baltes (non qualifiés pour la compétition) et les discussions internes à l’UE sur les sanctions contre la Russie. Pour les Européens, se rendre au Mondial 2018 en ordre dispersé affaiblirait l’esprit de l’équipe UE.

Nation branding : maîtriser les finances du club Russie

Sur le plan financier, il sera essentiel de maîtriser les coûts d’organisation car la situation économique de la Russie reste préoccupante : depuis 2014, son PIB s’est contracté de 3%. Les finances publiques sont mises à l’épreuve par les cours des hydrocarbures : en 2010, le Mondial avait été attribué la Russie au moment où le baril de pétrole était autour de 70 dollars, contre 50 dollars aujourd’hui.

Les JO de Sotchi ont été un avertissement : avec un budget record de 36 milliards d’euros, des dérapages de coûts,, ils avaient eu peu de retombées économiques. L’enjeu est de montrer que le prestige national peut s’accommoder d’une gestion rigoureuse. La Russie en a donné des signes en réduisant le nombre de stades accueillant la compétition de 16 à 11 pour réduire les coûts. Mais les investisseurs se méfient des pays (et des clubs) où le sotfpower rime souvent avec dépenses somptuaires.

Poutine IV : vers une consécration du meneur de jeu ?

Le Mondial 2018 aura lieu quelques mois après l’élection présidentielle russe des 18 mars et 8 avril 2018, au moment où Vladimir Poutine entamera sans doute son quatrième mandat. Les résultats électoraux semblent assurés. Mais la réussite du Mondial 2018 sera déterminante pour le poids de Poutine IV : des attentats, un boycott occidental, des stades vides, etc. entraveraient le nouvel élan recherché après deux décennies au pouvoir.

Au contraire, un succès d’image sous l’œil des médias internationaux, dans une Moscou complètement modernisée, renforcerait encore l’influence internationale du président russe. Une victoire de l’équipe russe le 15 juillet au soir dans un stade Luzhniki flambant neuf donnerait assurément un poids supplémentaire au meneur de jeu de la Fédération sur la scène nationale et internationale.

La prochaine échéance pour la géopolitique du Mondial 2018 devra elle aussi être scrutée : ce sera le 1er décembre 2017 au Kremlin à Moscou. Le tirage au sort des équipes aura lieu. Et la tonalité politique de cet événement sportif se précisera.