Et si Emmanuel Macron n’avait que trois choses à dire à Olaf Scholz (PARMENTIER – Atlantico)

Si Emmanuel Macron n’avait qu’une chose à dire à Olaf Scholz sur l’autonomie
stratégique ( et notamment le rapport aux Etats-Unis et à la Chine) et sur l’Union
européenne, que faudrait-il que ce soit ? Et pourquoi?

Si Emmanuel Macron n’avait qu’une chose à dire à Olaf Scholz sur l’autonomie stratégique et
sur l’Union européenne, ce serait d’écouter non seulement les membres de sa coalition au
pouvoir, mais également ses partenaires européens, et en premier lieu la France !
Alors que le personnel politique allemand avait en 2017 une curiosité profonde pour celui qui
allait devenir président, il faut observer qu’aujourd’hui le « couple Macron – Scholz » n’a pas
encore vu le jour. Ainsi, le concept d’ « autonomie stratégique » pour l’Europe a rencontré de
nombreuses réticences au sein de certains pays européens, qui étaient désintéressés par les
questions de défense.
Cependant, la crise russo-ukrainienne a radicalement changé la donne en révélant la nature de la menace russe et en mettant en évidence le malentendu précédent entre « autonomie » et « adhésion à l’OTAN ». Elle a constitué un « changement d’époque » (zeitenwende) des
propres mots du chancelier Scholz, obligeant Berlin à réévaluer les paramètres de sa politique étrangère, qui reposaient jusqu’à présent sur un partenariat sécuritaire avec les Etats-Unis, un partenariat énergétique avec la Russie et un partenariat commercial avec l’Allemagne.
Si l’ancrage de l’Allemagne au sein de l’UE n’est pas remise en question, se trouvant au cœur
du contrat de coalition signé par les trois partis au pouvoir, le chancelier n’a pas pour autant
réinvesti avec force la relation franco-allemande pour autant. Car s’il fallait tirer toutes les
conséquences des années Trump et de la montée de ceux qu’on appelle parfois les « Etats
carnivores », il conviendrait sans doute de mettre en place un programme européen de
défense, même s’il faut reconnaître que cela ne sera pas facile à réaliser en raison du poids des contrats et programmes existants. Il faudrait surmonter les obstacles liés aux intérêts
nationaux et aux engagements déjà pris.
En somme, Emmanuel Macron pourrait souligner à Olaf Scholz que la crise russo-ukrainienne
a été un révélateur crucial pour l’Europe, et que l’Union européenne est désormais prête à
avancer vers une plus grande autonomie stratégique. La mise en place d’un programme
européen de défense sera bien un défi, mais, à titre, d’exemple, la coopération en matière de
cyberdéfense peut représenter un premier pas concret vers cet objectif.

Pourquoi faudrait-il lui dire cela ?

En dépit des contradictions existantes (la question énergétique n’étant pas la moins
importante), c’est le rôle du Président Macron de rappeler que l’autonomie stratégique est
bénéfique à la fois pour la France, l’Allemagne et l’Europe. Ce travail de conviction n’est pas
simple, car le concept suscite encore des crispations parmi les Européens, notamment en
Europe centrale et dans les pays traditionnellement atlantistes.
Il convient d’insister sur le fait que l’autonomie stratégique permet à chaque pays de prendre
des décisions politiques et de sécurité indépendantes, sans dépendre exclusivement d’autres
acteurs. Cela garantit la préservation de la souveraineté nationale et la capacité de défendre les intérêts nationaux. Sur le plan géopolitique, mettre en avant l’autonomie stratégique, c’est rappeler une évidence : une Europe forte et unie, capable de défendre ses intérêts et de faire face aux défis de sécurité, contribue à la stabilité régionale. Or, celles-ci est l’objet de
nombreuses vulnérabilités ne se limitant pas à l’Ukraine ; l’évolution de la Turquie, la
pression migratoire ou la déstabilisation de nos régimes politiques en sont autant de
manifestations concrètes. En travaillant ensemble pour atteindre l’autonomie stratégique, la
France, l’Allemagne et les autres pays européens renforcent la sécurité collective et
préviennent les crises potentielles.
De plus, le Président pourrait continuer son argumentaire et affirmer que l’objectif
d’autonomie stratégique permet de développer des capacités industrielles et technologiques de défense, de préserver les emplois nationaux et de maintenir une base industrielle européenne solide. Mieux préparée et mieux à même de répondre aux crises, l’autonomie stratégique renforce la crédibilité de l’Europe en tant qu’acteur mondial et permet de protéger les intérêts européens de manière proactive.

Quels pourraient être les arguments pour rallier Scholz à la position française ?
Rallier le chancelier Scholz à la position française en matière d’autonomie stratégique sera un
exercice compliqué. Mais il faut se souvenir que son prédécesseur social-démocrate
Schroeder était arrivé au pouvoir avec la volonté de se rapprocher des Britanniques, sans
pouvoir concrétiser cette vision.
Le premier argument en faveur d’un rapprochement est militaire : il conviendrait d’insister sur le fait que la guerre en Ukraine a clairement démontré les limites de la politique sécuritaire, économique et énergétique de l’ère Merkel. Cela remet en question l’idée que l’Europe peut compter exclusivement sur d’autres acteurs pour sa sécurité et sa prospérité. En outre, sur le forme, il est nécessaire de surmonter les méfiances et les malentendus existants. La position française sur l’autonomie stratégique a parfois été mal interprétée en dehors de nos frontières, en étant perçue comme une posture néo-gaulliste, hostile aux Etats-Unis. Il est important de clarifier que l’autonomie stratégique ne signifie pas une rupture avec les partenaires existants, mais plutôt une complémentarité avec eux pour renforcer la sécurité européenne.
Sur un plan concret, le message à faire passer est que la complaisance et le déni ne sont plus
des options viables pour les Européens aujourd’hui. Les dangers géopolitiques émergents,
notamment ceux posés par la Russie et la Chine, nécessitent une réponse ferme et coordonnée au niveau européen. L’autonomie stratégique offre la possibilité de prendre des décisions indépendantes, de diversifier les alliances et de protéger les intérêts économiques sans dépendre uniquement des États-Unis. Enfin, dans un pays où l’affaiblissement démographique est notable, la coopération économique et commerciale est importante, car c’est elle qui permettra de maintenir le niveau de vie. Toutefois, elle doit être équilibrée avec la nécessité de préserver la sécurité et la souveraineté européennes.

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