Le sommet de l’Otan se referme sur un resserrement des liens entre Etats-Unis et Europe mais que se passerait-il si Trump gagnait en 2024 ? (PARMENTIER – Atlantico)

Les pays de l’OTAN se sont retrouvés les 11 et 12 juillet à Vilnius. Entre soutien réaffirmé à Kiev et avertissement à Moscou, dans quelle mesure l’Europe et les États-Unis se sont-ils rapprochés ?


Le soutien à l’Ukraine a été réaffirmé, même si Kiev n’a pas reçu une proposition d’adhésion
à court terme. Le communiqué du Sommet de l’OTAN à Vilnius mentionne le fait que
l’Ukraine sera invitée à rejoindre l’alliance lorsque « les Alliés seront d’accord et les
conditions seront remplies ». L’Alliance a réaffirmé que l’avenir de l’Ukraine est dans l’OTAN
et a déclaré que l’Ukraine est allée au-delà du plan d’action pour l’adhésion, mais que le pays a encore besoin de réformes supplémentaires. La déclaration n’a pas fourni de calendrier pour l’adhésion de l’Ukraine à l’OTAN ni de conditions claires pour son adhésion.
Par ailleurs, il y a un point de consensus parmi les Européens et avec les Etats-Unis pour dire
que la Russie est « la menace la plus importante et la plus directe pour la sécurité des Alliés
ainsi que pour la paix et la stabilité dans la zone euro-atlantique ». En outre, rappelle le
communiqué, « La Russie porte l’entière responsabilité de sa guerre d’agression illégale,
injustifiable et non provoquée contre l’Ukraine, qui a gravement porté atteinte à la sécurité
euro-atlantique et mondiale et dont elle doit être tenue pleinement responsable. »
Entre condamnation de la Russie et soutien à l’Ukraine, le rapprochement est évident, et cela
est dû en bonne partie à une unité des Européens qui a perduré dans le temps. Dans le
contexte de la guerre d’agression de la Russie contre l’Ukraine, il apparaît évident que la
coopération OTAN-UE est devenue plus importante, faisant preuve de plus de
complémentarité et de cohérence que par le passé. La mise en place de la coordination d’état-major OTAN-UE dédiée à l’Ukraine en est la plus éclatante illustration.

Malgré ce rapprochement, Donald Trump pourrait redevenir président des États-Unis
en 2024. Quelles seraient les conséquences pour l’Europe et l’OTAN ?


Un éventuel retour de Donald Trump ne peut être exclu à ce stade. S’il redevenait président
des Etats-Unis, il faudrait de nouveau s’adapter aux caractéristiques qui lui sont propres : une
politique étrangère marquée par le nationalisme et le protectionnisme, la revendication du
principe « America First », le renforcement des relations bilatérales au détriment des relations multilatérales et une approche transactionnelle.
Toutefois, même s’il devait durcir sa politique par rapport à son premier mandat, il existe des
cordes de rappel dans le système politique américain : la séparation des pouvoirs fait du
Congrès et de la Chambre des représentants un contrepoids à l’action présidentielle. La force
de l’opposition politique, des médias ou des institutions bureaucratiques est anticipable dans
un contexte de polarisation croissante de l’opinion publique américaine.
Par conséquent, on peut estimer que la confiance entre des Européens envers les Américains
se trouvera réduite, ce qui mettra les Européens devant leurs contradictions.

Emmanuel Macron, en refusant de tout miser sur le parapluie nucléaire américain, a
déclaré « refusons la cécité de court terme », mettant en garde contre « des réveils trop tardifs ». Comment analyser ces propos ? N’est-ce pas contradictoire avec ce qu’a pu
dire le président par le passé ?


C’est précisément ici qu’il convient de revenir sur les contradictions européennes. Lors du
Sommet Globsec de Bratislava, Emmanuel Macron a tenté de se rapprocher des pays
d’Europe centrale, où l’influence française avait diminué, faut de démontrer un enthousiasme
suffisant pour l’élargissement de l’UE, et pour le développement de la relation transatlantique.
Le choc de la guerre en Ukraine a rapproché Européens et Américains, mais il n’est pas dit
que les intérêts coïncideront toujours entre ces partenaires. Joe Biden est peut-être le dernier
président qui aura été socialisé dans une période où l’Europe était le champ d’affrontement
principal de la Guerre froide ; il est à craindre que ses successeurs, y compris chez les
démocrates, ne soit pas aussi dédié à la cause transatlantique, plus par indifférence que par
rejet. La rivalité systémique pour les Etats-Unis n’est pas avec la Russie en Europe, mais avec
la Chine en Asie. Un renforcement de la Chine amène nécessairement à un éloignement avec
les Européens. C’est certainement le sens des propos d’Emmanuel Macron.

L’Europe pourrait-elle se débrouiller seule si les États-Unis prennent leurs distances ?
Notre priorité devrait-elle être de développer une véritable autonomie stratégique européenne ?

Naturellement, un désengagement des Américains de l’Europe serait un choc pour les
Européens. A court terme, leurs vulnérabilités affleureraient, fruit de décennies de confiance
dans le parapluie américain. Mais retirer des troupes, des armements, des manières de
travailler ne se fera pas du jour au lendemain. Des cordes de rappel existent.
A moyen ou à long terme en revanche, les Européens peuvent rattraper leur retard en matière d’autonomie stratégique, qui n’est pas une autarcie, mais l’organisation de ses dépendances de manière à être le plus résilient possible. Les domaines prioritaires d’affirmation de la souveraineté européenne seront la défense, les technologies critiques et l’énergie. Pour cela, il faudra une volonté politique forte, une coordination effective et une capacité à surmonter des divergences internes, sans quoi l’Europe pourrait se retrouver sans protecteur américain et mal embarquée, faute de méthode politique pour défendre ses

L’entretien a été publié ici.