Volodymyr Zelensky a évoqué à la mi-juillet l’idée d’une participation russe à un futur sommet pour la paix d’ici à la fin de l’année. Un scénario qui semblait encore impensable il y a quelques mois commence à se dessiner.
(…) Moins d’intransigeance
“Quand la question d’éventuelles négociations s’est posée en mars 2022 (en Biélorussie puis en Turquie, NdlR) , les possibilités de paix étaient réelles, mais on a le sentiment que Volodymyr Zelenzky a été poussé par les États-Unis et le Royaume-Uni à ne pas céder ”, commente Florent Parmentier, secrétaire général du Centre de recherches politiques de Sciences-Po Paris (Cevipof) et chercheur associé à l’Institut Jacques Delors. “ L’Ukraine s’est ensuite montrée plus intransigeante et sûre de son fait en voyant les effets de sa contre-offensive de 2022. Mais depuis, la tendance est plutôt à la difficulté. La contre-offensive de 2023 a entraîné énormément de pertes pour ne récupérer que trois cents kilomètres carrés. Je pense qu’une partie des partenaires internationaux de l’Ukraine, dont elle totalement dépendante, commencent à se faire à l’idée que reprendre l’ensemble du territoire sera très compliqué. ”
Selon les derniers sondages réalisés par l’Institut international de sociologie de Kiev, réputé fiable, 73 % des Ukrainiens se disent pourtant prêts “à endurer la guerre aussi longtemps que nécessaire”. “ L’opinion publique est épuisée ”, estime néanmoins Florent Parmentier. “ Le bilan est tel que chaque Ukrainien connaît plusieurs personnes qui sont tombées au front. Certains estimeront qu’ils ne doivent pas avoir perdu la vie pour rien, d’autres qu’il vaudrait mieux arrêter les frais. ”
J. D. Vance dans la balance
“ Si vous abordez la question sur le terrain des valeurs, soit le fait qu’un État souverain ne puisse pas être envahi par un autre , poursuit le chercheur, capituler n’est acceptable ni pour la population ni pour les dirigeants ukrainiens. Mais si on aborde la question en termes de rapports de force, les choses sont différentes. Volodymyr Zelensky a été élu en 2019 avec l’objectif de faire la paix dans le Donbass. À l’époque, il a rencontré une certaine résistance au sein de l’armée. Lorsqu’il est transformé en chef de guerre, il a fait tout ce qui était possible sur le plan de l’armement et de la diplomatie. En 2023, Valery Zaloujny, qui était alors chef des armées, a lui-même reconnu que le front était parti pour stagner plusieurs années. Or, sur le plan humain, la mobilisation est devenue extrêmement difficile. Les Ukrainiens les plus motivés sont épuisés ou ne sont plus, et ceux qui restent ne souhaitent pas être mobilisés. Quand il s’agit de résister, la question est de savoir si la paix sous l’occupation sera pire que la guerre actuelle.”
Le sens du timing du président ukrainien n’est pas innocent. Donald Trump a annoncé lundi que son colistier et possible vice-président en cas de victoire en novembre serait le sénateur de l’Ohio J. D. Vance (lire par ailleurs), qui a clairement exprimé il y a quelques mois que les Ukrainiens devaient mettre leurs exigences de côté pour entamer des négociations de paix. “ Or, si les États-Unis devaient renoncer à soutenir militairement l’Ukraine, les Européens n’auraient pas la possibilité de livrer des armes en suffisance pour tenir le front, ajoute Florent Parmentier. Le potentiel industriel ukrainien lui-même a été détruit par la guerre alors que le complexe industriel russe fonctionne. L’armée ukrainienne se situe dans un rapport de force d’un obus contre cinq ou dix selon les zones de combat.” (…)
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