Dimanche 3 novembre, les élections présidentielles en Moldavie se sont soldées par la réélection de Maïa Sandu, une présidente pro-européenne dans un pays très surveillé par la Russie.
Avec
- Florent Parmentier Secrétaire général du CEVIPOF/Sciences Po, chercheur associé au Centre de géopolitique de HEC
- Elsa Vidal Rédactrice en chef de la rédaction en langue russe de RFI
Situées aux portes de l’Europe, la Moldavie et la Géorgie ont été, ces derniers jours, le théâtre de confrontations électorales entre, d’un côté, des forces politiques favorables à l’intégration européenne et, de l’autre, des partis russophiles. Le contexte politique de ces deux États interpelle. Pourquoi leur situation est-elle si importante ?
La Moldavie : un pays qui se considère comme européen ?
La Moldavie est un pays dont nombre d’Européens ont repris connaissance de son existence en 2022 suite à l’afflux massif de réfugiés ukrainiens, suggère Florent Parmentier. Il souligne même qu’au-delà du conflit, cette situation d’urgence a constitué l’occasion pour les Européens « de voir que leur message porte encore, malgré les vicissitudes politiques que l’on peut voir aussi bien en Géorgie qu’en Moldavie ». Elsa Vidal renchérit : « de nombreux Moldaves se rêvent et se vivent comme Européens parce qu’il y a d’abord un régime qui permet aux Moldaves d’aller en Europe sans visa et puis environ un tiers de la population vit et travaille en Europe, très souvent dans les secteurs des services à la personne. On parle beaucoup français en Moldavie, en plus de parler russe et roumain. Et bien sûr, une partie de la population moldave n’émigre pas seulement vers l’Europe de l’Ouest, beaucoup aussi travaillent en Russie ».
Un syncrétisme moldave ?
À l’image de sa population très diverse, la Moldavie cristallise une identité plurielle, comme son histoire tourmentée le laisse deviner. Si l’on fait un détour historique, « la Moldavie est liée à la Bessarabie », c’est-à-dire à un ensemble de territoires rattaché à plusieurs principautés roumaines, rappelle Florent Parmentier. Il poursuit : « après la Grande Guerre patriotique de 1812 qui a opposé Napoléon et la Russie, ce territoire s’est détaché de la principauté de Roumanie et a été inclus dans l’Empire russe jusqu’en 1918. La fin de la Première Guerre mondiale a vu la Moldavie être placée sous l’autorité du royaume roumain. Puis, le pacte Ribbentrop-Molotov [pacte germano-soviétique signé en 1939, NDLR] a permis à l’URSS de récupérer ce territoire qui est devenu indépendant en 1991″.
La Moldavie : une « ligne de faille » entre plusieurs empires
Pour Elsa Vidal, le territoire moldave est comparable à une « ligne de faille » tantôt sujette à un empire, tantôt arrachée par un autre. « Avant d’intégrer l’Empire russe, il se situe dans l’Empire ottoman. Il connait une petite période de république indépendante que les bolcheviques, une fois au pouvoir, se sont appropriés en créant une fausse Moldavie au sein de l’Union soviétique ». En ce sens, elle en conclut que « toutes les techniques que nous voyons à l’œuvre aujourd’hui dans le pourtour de la Russie, autrement dit la tendance à la guerre, la tendance à l’immixtion dans la vie politique intérieure, la création de partis fantoches, ne constituent pas des faits isolés, mais au contraire une technique de gouvernement, une pratique politique qui s’enseigne et qui fait partie des outils d’un empir
L’enjeu de maintenir un équilibre entre l’Est et l’Ouest
Florent Parmentier montre au travers de différents exemples que « des gens qui ont été élus avec un programme pro-européen ont, malgré tout, souhaité garder le contact avec la Russie parce que cela correspondait à une forme d’équilibre interne par rapport à l’héritage historique du pays, ce qui fait également écho à sa propre population ». Cela dit, il observe un changement à partir de 2022 puisque « le candidat M. Stoianoglu a été contraint de choisir un camp de façon plus affirmée ». « Cette contrainte de choisir est le résultat de la guerre en Ukraine. La plupart des Moldaves s’en seraient bien passés« , complète Elsa Vidal. La Moldavie et la Géorgie tentent depuis 2022 de s’en tenir à une position médiane : si les deux pays condamnent l’invasion russe en Ukraine, ils n’appliquent pas les sanctions économiques qui, tôt ou tard, estiment-ils, se retourneront contre eux.
