Sophie Hienard
Publié le 6 décembre 2025
L’Eurovision se fracture autour de la participation d’Israël au concours dans un contexte de guerre à Gaza. Quatre pays ont déjà annoncé boycotter l’édition 2026. Une situation inédite dans l’histoire du concours qui témoigne de sa géopolitisation profonde.
L’Eurovision soufflera ses soixante-dix bougies l’année prochaine… Avec des invités en moins. Au lendemain de l’annonce confirmant la participation d’Israël au prochain concours, quatre diffuseurs nationaux majeurs – l’Espagne (RTVE), l’Irlande (RTÉ), les Pays-Bas (AVROTROS) et la Slovénie (RTVSLO) – ont officialisé leur retrait de la compétition. Les diffuseurs démissionnaires dénoncent la situation humanitaire à Gaza et la responsabilité de l’Etat hébreu. La liste pourrait s’allonger dans les jours à venir, puisque l’Islande et la Belgique affirment évaluer encore leur position. (…)
Le mythe de l’apolitique
Nul doute que l’Eurovision traverse une crise éminemment politique – bien que, depuis sa création en 1956 à Lugano, le concours se soit toujours revendiqué apolitique. Le concours naît dans un contexte d’après-guerre, porté par une volonté de réconciliation européenne. Son fondateur Marcel Bezençon, directeur général de la télévision publique suisse, imagine ce concours sur le modèle du festival de Sanremo pour « encourager la production de chansons populaires, originales et de qualité » et promouvoir les relations entre pays membres de l’UER – face à l’Intervision, le double soviétique, en plein contexte de Guerre froide. À ce titre, le règlement interdit formellement les discours ou symboles politiques sur scène.
« Cette neutralité politique est commune à la plupart des grands événements qui sont organisés, comme les Jeux Olympiques et les coupes du monde », remarque Florent Parmentier, secrétaire général du CEVIPOF / Sciences Po et co-auteur avec Cyrille Bret de Géopolitique de l’Eurovision (ouvrage à paraître chez Studyrama en 2026). (…)
L’UER ne s’est ainsi jamais prononcée sur la situation entre l’Etat hébreu et la Palestine invoquant son devoir de neutralité et ajoutant qu’il s’agit d’une compétition entre diffuseurs et non entre gouvernements. L’organisation continue ainsi à accueillir les candidats israéliens quand certains s’attendaient à ce que le participant connaisse le même sort que la Russie – exclue du concours par l’UER à la suite de l’invasion de l’Ukraine en 2022. Un an plus tôt, la Biélorussie avait subi le même sort après la réélection contestée d’Alexandre Loukachenko.
Ces deux années ont été charnières pour le concours, d’après le chercheur. « Si l’Eurovision a toujours été au cœur des tensions diplomatiques, il est possible de considérer qu’à ce moment-là l’Eurovision se géopolitise davantage, explique le chercheur. Mais le discours de l’UER, ce n’est pas officiellement une prise de position sur la guerre. L’exclusion de ces deux pays est avant tout justifiée par le fait que les audiovisuels publics de Biélorussie et de Russie participent à l’effort de propagande de guerre. »
Il en est de même des pays dont les diffuseurs se sont mis en retrait de l’édition 2026 – un acte profondément politique. « Ces derniers considèrent qu’à travers sa participation au concours de chant de l’Eurovision, Israël fait du ‘songwashing’, c’est-à-dire qu’il s’attache à se racheter une bonne image – celle d’un pays moderne ouvert sur la diversité, explique Florent Parmentier. Certains audiovisuels publics – et donc certains gouvernements car il s’agit aussi de politiques d’État – ont pris position car ils ne souhaitent pas laisser passer cela. »
L’intégralité de l’article est à lire ici.
Livre à paraître : Géopolitique de l’Eurovision

@EurovisionGeopolitix
