L’Europe est-elle à la veille d’un nouveau conflit armé ? L’Europe n’est-elle pas déjà engagée dans une guerre ? Contre le terrorisme ? Contre la Russie ? ou encore contre elle-même ? Telles sont les questions qui (re)commencent à hanter le débat public. Dans l’opinion publique et dans les chancelleries politiques, sur les plateaux de télévisions et dans les états-majors, tous s’interrogent : L’Europe est-elle vouée à faire la guerre au terrorisme ? Le « Vieux Continent » est-il pris dans une nouvelle Guerre Froide entre Etats-Unis et Russie ?
Aujourd’hui, l’Europe fait face au retour de son grand refoulé : la guerre. Autrement dit, elle assiste impuissance à la réémergence de conflits armés (interétatiques ou internes) visant à prendre le contrôle d’un territoire, d’une population ou de ses ressources et à plier la souveraineté d’un Etat rival à sa propre volonté : les différents conflits étudiés par le Dossier spécial de Diplomatie sont les jalons du retour de la Guerre en Europe : comme le montre chacun des articles, en Ukraine et dans le Caucase, dans la Baltique et en Moldavie et au cœur même de ses centres villes, l’Europe se ressent elle-même en état de guerre. Continent longtemps belliqueux, l’Europe contemporaine s’est bâtie sur le refus de la guerre comme moyen de règlement des différends et sur le rejet de la guerre comme continuation de la politique par des moyens violents pour détourner la célèbre définition de la guerre par Clausewitz. Ce tabou tombe aujourd’hui : le continent ne peut plus nier la résurgence de la violence armée en son sein. Les faits sont trop têtus.
Premier fait particulièrement obstiné : le principe d’intangibilité des frontières européenne vacille. Suite aux guerres en Yougoslavie (1991-2001), en Géorgie (2008) et en Ukraine à partir de 2014, des territoires ont éclatés et de nouvelles frontières se sont dessinées. Si bien que l’Europe s’interroge : est-elle à la veille d’un redécoupage général et violent de ses frontières, tel qu’il a eu lieu lors des guerres des 19ème et 20ème siècles ?
Deuxième fait opiniâtre : l’usage de la force armée n’est pas tabou dans les relations intra- européennes : des actions armées ont été menées et sont actuellement menées sur le continent européen pour amener certains pouvoirs publics à résipiscence. En outre, le terrorisme international essaie de tracer en Europe une ligne de front.
Troisième fait incontournable, les batailles européennes se livrent dans de nouveaux espaces : dans le champ économique, sanctions contre la Russie et embargo russe se répondent ; dans la sphère cyber, les attaques et les contre-attaquent se succèdent inlassablement ; et dans le domaine idéologique, des rivalités nourrissent tensions et forces centrifuges, notamment à l’est de l’Europe.
Le « Vieux Continent » est de nouveau plongé dans les affrontements mettant aux prises des Etats pour le contrôle de territoires, de populations et de ressources. Elle redécouvre la « géopolitique » qu’elle avait voulu oublier.