Dans un contexte où Washington, Paris et Berlin font actuellement pression sur la Russie de Vladimir Poutine pour obtenir un cessez-le-feu en Syrie, actant de fait l’influence de Moscou sur Damas, quel bilan dresser de l’évolution des différents « blocs d’influence » mondiaux depuis la guerre froide ? Après le dualisme des blocs occidental et soviétique de la guerre froide, la Chine apparaît-elle aujourd’hui comme un troisième pôle d’influence de niveau mondial ?
Florent Parmentier : De prime abord, il faut concéder que l’intervention russe en Syrie a marqué le retour de Moscou au Moyen-Orient ces trois dernières années. Après les conflits en Géorgie (2008) et en Ukraine (2014), la Russie tentait pour la première fois de sortir de l’espace post-soviétique, malgré la trace indélébile qu’avait laissé l’Afghanistan en 1979.
Ainsi, absente lors de la guerre du Golfe de 1991, coopérative sur l’Afghanistan en 2001, dans l’opposition lors du conflit en Irak de 2003, surprise par les « printemps arabes » et spectatrice lors du renversement de Kadhafi en 2011, la Russie n’avait pas fait preuve d’initiative depuis près d’un quart de siècle dans la région. Il est donc tentant de voir dans la montée des tensions actuelles une résurgence de la Guerre froide, qui pourrait aller au-delà du simple bombage de torse bilatéral.

Source : Diploweb
Pour autant, si ces tensions sont au plus haut depuis 1991, l’opposition entre blocs ne se situe pas au même niveau qu’en 1991 ; la Russie n’est pas l’URSS, son réseau d’alliés n’est pas aussi puissant qu’à l’époque ; et l’opposition idéologique est en revanche beaucoup plus faible qu’à l’époque. Si l’establishment américain est ouvertement hostile à la Russie, de même que la Douma l’est vis-à-vis des Etats-Unis, il existe des différences d’intérêts mais la Russie n’a pas un système à proposer comme du temps de l’URSS.
Reste donc une sourde rivalité russo-américaine, au sein de laquelle les deux acteurs ont intérêt à se montrer « dur » pour plaire aux opinions publiques respectives. Cette rivalité permet à chacun de se rassurer à l’heure où la montée en puissance de la Chine menace la suprématie américaine et marginalise la Russie.
Cette hégémonie des deux blocs n’était en outre pas totale ; en effet, le mouvement des non-alignés est apparu la déclaration de Brioni le 19 juillet 1956. De fait, la fin de la Guerre froide s’est traduite par des modifications géopolitiques majeures en Europe, avec la désagrégation du camp socialiste, menant à la domination du « Consensus de Washington », mélange de privatisation de l’économie, de conditionnalité des bailleurs de fonds internationaux et d’intégration dans les flux économiques internationaux. En Asie, elle n’a pas donné les mêmes effets ; la Corée du Nord et la Corée du Sud n’ont pas été réunifiées comme l’Allemagne.
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