Nord Stream 2, objet de tensions entre Européens pour la Russie ? (PARMENTIER pour Atlantico)

Le projet Nord Stream 2, gazoduc qui permettrait de relier Russie et Allemagne par la Baltique, et dont l’objectif était de pouvoir s’affranchir du territoire ukrainien, semble révéler des approches parfois contradictoires dans les relations entre Russie, Ukraine, Pologne, Allemagne, et même Paris ou Washington. Quels sont les intérêts des uns et des autres dans ce projet ? Quels en sont les enjeux diplomatiques ?

Le projet Nord Stream 2 consiste en un gazoduc dont le but est d’acheminer du gaz russe vers les marchés européens, les plus solvables pour Gazprom, en passant par la mer Baltique. Il fait suite au projet Nord Stream 1 (dont il doit doubler la capacité), inauguré en 2011 et en service depuis 2012.

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Il existe, en effet, des approches contradictoires parmi les Européens, reposant à la fois sur des intérêts économiques différents et des conceptions diverses de ce qu’est la sécurité énergétique. Les Russes considèrent que les précédentes crises gazières (2006, 2009) sont de la responsabilité de l’Ukraine, qui a bénéficié pendant plusieurs années de contrats avantageux de la part de la Russie, tout en siphonnant du gaz à destination des pays européens. A contrario, l’Ukraine dénonce le caractère politique de la construction d’un nouveau gazoduc contournant son territoire, lui faisant perdre environ 3 milliards de dollars (le montant des frais de transit du gaz russe en Ukraine pour 2017). La Pologne a également une position paradoxale : d’une part, elle déplore la dépendance énergétique par rapport à la Russie, et d’autre part elle souhaite que ce même gaz passe sur son territoire afin de bénéficier des frais de transit. Les Etats-Unis souhaitent faire échouer ce projet, le porte-parole du gouvernement américain ayant déclaré que les entreprises étrangères impliquées dans le projet pourraient faire l’objet de sanctions. La France et l’Allemagne soutiennent quant à elle le projet, leurs entreprises y participant. C’est dans ce contexte qu’Angela Merkel vient de reconnaître le caractère politique de ce gazoduc, alors qu’elle insistait jusqu’à présent sur sa dimension commerciale.

Angela Merkel a pu, la semaine passée, évoquer son intention de protéger les intérêts ukrainiens concernant le Nord Stream 2. Comment comprendre cette position de Berlin ? Faut-il y voir un moyen de ne pas se montrer conciliant avec la Russie dans un contexte géopolitique pour le moins tendu, ou d’autres éléments pourraient permettre d’expliquer ce qui est présenté comme une nouvelle posture ?

Avec la Energiewende (transition énergétique allemande), l’Allemagne a fait le choix de décarboner son modèle économique, abandonnant également le nucléaire en 2011 au profit d’énergies renouvelables. L’essor des énergies renouvelables, de nature intermittente (notamment pour l’énergie éolienne), a pour conséquence d’augmenter mécaniquement la consommation de gaz ou de charbon, le premier étant nettement moins polluant. Il n’est donc pas surprenant de compter l’Allemagne comme premier importateur de gaz russe en Europe.

Les industriels allemands ont plaidé pour une relation proche avec la Russie en matière d’importation gazière ; comme le disait le baron Richard von Weitzsacker, premier Président de l’Allemagne réunifié, au début des années 1990, « l’histoire nous lie avec tous nos voisins, mais avec aucun pays notre passé n’a de liens aussi forts qu’avec ceux de la Russie ». Ceci est aussi vrai sur la question gazière, qui implique une interdépendance entre producteurs et consommateurs. Le gaz, qui suppose une forte coopération régionale du fait d’infrastructures s’amortissant sur le long terme, est de ce point de vue souvent perçue comme une « énergie de paix », notamment par rapport au pétrole, dont l’extraction peut fort bien s’accommoder de situations politiques instables.

Dans ce contexte, la volonté d’Angela Merkel d’encourager le maintien d’une partie du transit par l’Ukraine est effectivement un élément plutôt nouveau. Toutefois, il conviendra dans cette perspective de réhabiliter les infrastructures de transport en Ukraine, ce qui représentera un investissement conséquent, que les Européens ne sont vraisemblablement pas prêts à faire. C’est la raison pour laquelle la véracité de ce changement, moins favorable à Moscou et aux acteurs industriels allemands, doit être évaluée dans la durée.

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