2014-2019 : 15 ans qui ont changé l’Europe et la Pologne (BRET dans L’Opinion)

Plus qu’un élargissement mais moins qu’une refondation : 2004 a métamorphosé notre continent. Depuis 15 ans, l’Europe transforme la Pologne et, la Pologne fait évoluer l’Union. Pour mesurer la portée du chemin commun, surmontons les débats stériles comme l’alternative artificielle entre élargissement et approfondissement. Après des années de débats parfois vifs, il faut se rendre à l’évidence : la Pologne s’est « européanisée » et, en retour, l’Europe s’est « polonisée ».

Bret Elargissement 2004

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Le « bon élève » devenu puissance

L’intégration de la Pologne dans l’Union lui a rendu son statut historique. La chute du Mur et la fin de l’URSS lui avaient permis de reconstruire sa démocratie, de fonder sa Troisième République et de restaurer sa pleine souveraineté. Mais c’est avec l’adhésion qu’elle a reconquis ses attributs de puissance. En rejoignant le marché commun, la Pologne a très rapidement rompu avec la planification autoritaire et a contribué à la prospérité du continent. Grâce aux fonds structurels et à la rigueur de sa gestion, elle a attiré investisseurs et entreprises, au point de constituer un véritable « miracle » aux indicateurs macroéconomiques enviables.

Puissance industrielle et marchande, la Pologne est également redevenue un centre politique actif (et même bouillonnant), donnant à l’Europe des hommes d’Etat au Conseil et au Parlement. Les tensions parfois vives entre le Groupe de Višegrad et la Commission le confirment : la Pologne est redevenue un acteur majeur de la politique européenne.

La « conscience polonaise » de l’Europe

2004 marque aussi la résurgence de la « conscience polonaise » de l’Europe. Avec la Pologne, l’Union doit faire face à plusieurs évidences oubliées.

Premièrement, l’Europe ne peut être le « continent de la paix » que si elle est prête à la défendre y compris par les armes. L’histoire et la géographie de la Pologne lui ont appris la précarité de la paix. L’Union n’assurera sa sécurité que si elle y consacre les ressources suffisances. Elle doit garantir à ses membres la même sécurité que le parapluie américain. Sur ce point France et Pologne peuvent converger pour faire entendre leurs consciences stratégiques partout en Europe.

Deuxième évidence : l’Union européenne n’est pas les Etats-Unis d’Europe. Qu’on le déplore ou qu’on s’en réjouisse. Les souverainetés nationales subsistent. En Pologne, en Lituanie et en Roumanie, les souverainetés nationales sont valorisées car elles ont été durement reconquises en 1918, bafouée en 1939 et éclipsées durant l’ère soviétique.

Enfin, la Pologne a remis la solidarité au centre du débat européen. Les fonds structurels européens ont favorisé l’investissement à l’est. En retour, les adhérents de 2004 ont contribué à la prospérité générale par leur main d’œuvre et leurs consommateurs. Mais la solidarité, n’est-ce pas aussi restés soudés dans l’adversité ? La question migratoire pose la question de façon nette : ne devons-nous pas affronter toutes les crises ensemble ?

De 2004 à aujourd’hui, en un peu plus d’une décennie, le destin de la Pologne et le destin de l’Europe sont devenus indiscernables.