La Chine, la Russie et dans une certaine mesure l’Inde diffusent de manière très importante leurs vaccins contre le Covid-19 dans le monde, alors que les pays occidentaux peinent à vacciner leur propre population.Cyrille Bret et Florent ParmentierAJOUTER AU CLASSEURLECTURE ZEN
Géopolitique de la diffusion des vaccins : Chine & Russie 1/ Occident 0
Atlantico : Lors de la dernière réunion des dirigeants du G7, le 19 février 2021, l’organisation a décidé du versement d’une somme de 7,5 milliards de dollars ainsi que d’une portion de leurs vaccins à un fond des Nations Unies en faveur des pays les plus pauvres touchés par la pandémie de Covid-19. Toutefois,cette ambition se voit fortement remise en cause par la réalité du nombre de doses disponibles et de la situation alarmante des pays occidentaux eux-mêmes. Face à cela, la Chine, la Russie et dans une certaine mesure l’Inde diffusent de manière très importante leurs vaccins dans le monde et se montrent dans cette diffusion des acteurs mondiaux essentiels. A qui la Chine et la Russie distribuent-ils des vaccins et pourquoi ? Quelle est selon vous leur stratégie ?
Cyrille Bret : La compétition géopolitique fait rage dans le domaine médical, et ce depuis plus d’un an. Dès le début de 2020, les grandes puissances économiques, militaires et diplomatiques se sont engagées dans une compétition sanitaire. Concurrencées dans tous les domaines par des puissances moyennes. Le premier épisode a concerné les masques : la République Populaire de Chine et la Fédération de Russie ont, dès l’hiver 2020 exporté à grands frais des masques vers l’Europe (Italie au premier chef), vers l’Asie du Sud (Inde), vers l’Afrique ou encore vers l’Amérique latine. Et d’autres pays se sont lancés dans cette compétition qui était à la fois une course de vitesse contre la propagation du virus et une course contre la montre contre la « diplomatie du masque » de la Chine et de la Russie. Ainsi, la Corée du Sud, Taiwan ou encore le Japon ont axé leurs diplomatie sanitaire sur l’exemplarité de leurs dispositifs de protection, de tests et de contrôle.
Aujourd’hui, la compétition concernant les vaccins redouble cette concurrence. Les anciennes puissances communistes ont toujours considéré le domaine médical et scientifique comme un moyen de démontrer l’excellence de leurs modèles (soviétiques, maoistes, castristes, etc.) et comme un outil pour gagner en influence à travers le monde. Dans la deuxième partie de 2020, la compétition a porté sur la rapidité de mise au point du vaccin. Le vaccin Gam-COVID-Vas a été mis au point par le laboratoire de microbiologie moscovite Gamaleia et a été autorisé par le ministère russe de la santé dès le 11 août 2020. De son côté, la RPC a développé deux vaccins : le Coronavac de Sinovac et le BBIBP-CorV de Sinopharm qui sont déployés depuis plusieurs mois en Chine et testés à travers le monde au Brésil, en Turquie, en Indonésie, etc. La rapidité du développement et des tests cliniques a joué en faveur de ces vaccins face aux vaccins des sociétés occidentales Pizer, Moderna, Sanofi, etc.closevolume_off
Nous sommes entrés aujourd’hui dans une troisième phase de la géopolitique des vaccins : celle de la campagne de vaccination. Et les résultats des vaccins russe et chinois sont impressionnants : en raison de son faible coût, de ses conditions de stockage à des température atteignables et de la nécessité d’une injection, le vaccin russe baptisé Spoutknik V a été commandé partout dans le monde, par des alliés traditionnels de la Russie comme les Républiques d’Asie centrale, le Belarus, l’Iran et l’Inde mais aussi par des Etats occidentaux comme Israël, l’Argentine ainsi que la Serbie et la Hongrie. Il n’est pas jusqu’à l’Allemagne et la France qui n’envisage de commande ce vaccin une fois qu’il sera homologué par l’agence européenne du médicament. Quant aux vaccins chinois, ils sont déployés partout dans le monde tout particulièrement dans les régions où la Chine a fait porter ses efforts durant la décennie 2010 : l’Afrique (Egypte, Maroc) et l’Asie du Sud.
Les quelques millions de doses attribuées par le G7 pour immuniser les 6 millions de personnels soignants en Afrique font pâle figure évidemment. Mais la stratégie de la Chine et de la Russie n’est pas seulement médicale, elle est clairement médiatique et risque de gonfler les chiffres.
Florent Parmentier : la Russie a beaucoup misé sur son vaccin Sputnik V, puisque Vladimir Poutine s’est engagé personnellement, et qu’il a mobilisé le fond souverain sur cette mission. Clairement, il a fait de cet objectif une priorité nationale, a su mobiliser une équipe et désigner une institution scientifique pour porter le projet. Une leçon d’effacité au vu des moyens de la science russe, qui sort renforcée.
Ce mercredi, le Honduras est devenu le 34e pays à homologuer le vaccin. C’est clairement une stratégie de viser les pays en développement, l’Egypte ayant récemment donné son accord, après avoir approuvé le vaccin britannique AstraZeneca et le vaccin chinois Sinopharm. Les marchés plus lucratifs sont plus réceptifs aux vaccins américains, dont certains sont une efficacité pourtant moindre (66% pour Johnson et Johnson).
L’intégralité de l’entretien peut être lue ici.