
Porté par ses succès en matière sanitaire, le Président serbe Vucic (cf. photo) vient de déclarer qu’on érigerait des monuments en son honneur pour sa gestion de la crise. Même si la remarque peut faire sourire, il faut reconnaître que la situation de la Serbie est enviable sur le plan sanitaire. Le pays exporte même des vaccins vers la Bosnie voisine.
Quels sont les ressorts de ce « miracle serbe »? Un pragmatisme assumé qui confine avec l’opportunisme géopolitique.
D’abord le bilan : depuis le début de la pandémie, 540 000 Serbes soit 7% de la population ont été infectés par le virus et 5 000 sont décédés. Mais le chiffre le plus important concerne la vaccination : la Serbie injecte 32 doses de vaccins pour 100 habitants quand la France et l’Allemagne plafonnent à 12,5 injections pour 100 habitants. La Serbie semble donc trois fois plus efficiente en matière de vaccination. Et elle le fait savoir en revendiquant un leadership régional en matière sanitaire.
Ensuite le pragmatisme : les pouvoirs publics serbes s’approvisionnent partout en vaccins, sans égard pour la « géopolitique des vaccins » comme l’indique la chef du gouvernement serbe. Cette dernière indique que la situation est traitée comme une crise sanitaire et non un enjeu politique mais derrière ce choix, on peut également voir une nouvelle manifestation du non-alignement. Non-alignement ou pragmatisme, peu importe : en misant sur les vaccins, qu’ils soient anglo-saxons, européens, russes ou chinois, la Serbie n’est devancée, sur le continent, que par le Royaume-Uni.
La Serbie ne se contente pas d’importer des vaccins, elle se prépare à en produire massivement. D’après le président Vucic, ce sont 15 millions de doses du vaccin russes produites en Serbie qui seront proposées à la vente à ses voisins d’ex-Yougoslavie. Les récentes annonces françaises et allemandes ouvrant la voie à une utilisation en Europe du vaccin russe Sputnik V, la volonté de Belgrade s’en trouve renforcée. Si l’Europe adopte le vaccin russe ce ne sont pas que des retombées économiques qui attendront Belgrade mais également des retombées politiques.
Alors que l’Union européenne investit des milliards d’euros dans les Balkans occidentaux, ces aides ne sont pas perceptibles par les populations sur le terrain. Le programme COVAX qui devait permettre une vaste vaccination dans cette zone ne produit pas les effets escomptés. C’est désormais la Serbie qui se propose de pallier la déception suscitée par l’Union européenne. Mais il ne faut pas se tromper derrière la Serbie, il faut voir les ombres de Moscou et Pékin. Alors oui l’Europe prépare un investissement massif dans les Balkans pour l’après crise mais ce que retiendront les populations c’est que les Européens n’ont pas été perçus comme fiables dans la tempête contrairement aux russes et aux Chinois. Le groupe Sinopharm a ainsi mis en évidence son soutien aux campagnes de vaccination serbes. L’arbre de Moscou ne doit pas masquer la forêt de Pékin Serbie s’ancre de plus en plus dans l’orbite de la RPC.
Avec l’exemple serbe, c’est le pragmatisme qui l’emporte sur le dogme. Sans parler du cas chinois dont l’attitude en son sein comme à l’international est intolérable, l’UE n’aurait-elle pas dû traiter avec neutralité Moscou ? La question vaccinale montre une nouvelle fois que mépriser Moscou par dogmatisme et donc envoyer la Russie dans les bras de la Chine ne sert ni les intérêts français ni les intérêts européens. Souvent les crises sont à l’origine de changement alors espérons que la pandémie apporte un souffle nouveau en Europe.