2021, l’été italien ? (PARMENTIER – Atlantico)

Si l’Italie n’a pas gagné la ligue des Nations, elle a connu une année particulièrement faste. Retour et premier bilan.

1) Eurovision, Euro de football et épreuve reine du 100 m aux JO, l’Italie semble avoir le vent en poupe dans plusieurs compétitions internationales. Hormis le talent des compétiteurs, faut-il chercher des explications plus globales à ces réussites italiennes ? Ces victoires disent-elles quelque chose de la situation actuelle du pays ?

Effectivement, en matière de bonnes nouvelles, l’Italie semble dans une période faste, tant dans le domaine du divertissement que dans celui du sport ! Un article de La Republica[1], grand journal de centre-gauche italien, s’interrogeait pour savoir s’il fallait donner raison à Giovanni Malago, directeur du Comité olympique italien depuis 2013, quand celui-ci disait que le triomphe en athlétisme aux JO est plus important que celui du championnat d’Europe à Wembley, qui a autant été synonyme de renaissance pour les Italiens qu’il a été un coup de Trafalgar pour les Anglais.

Les clés du succès à l’Eurovision ne sont pas les mêmes que pour une victoire en football ou dans d’autres sports, le fait de trouver une explication globale est donc une tâche compliquée. En revanche, ces victoires s’inscrivent bien dans une volonté de l’Italie d’améliorer son image extérieure, ce qu’on appelle le nation-branding ou l’image de marque du pays. Les victoires récentes donnent de l’eau au moulin de ce développement.

2) Alors qu’elle est en proie aux doutes politiques et économiques depuis des années, l’Italie pourrait-elle tirer partie de cette accumulation de succès pour renouer avec plus d’optimisme à l’échelon national et international ?

En effet, l’Italie, comme la France, est bien un pays en proie aux doutes. Il suffit, pour s’en convaincre, de lire le chapitre du l’Italexit de La valse européenne, l’ouvrage d’Elie Cohen et Richard Robert paru récemment, dans lequel les auteurs reviennent sur la fébrilité d’un pays dont la survie dans la zone euro était discutée. Parallèlement, la vague 12 du Baromètre de la confiance politique du CEVIPOF (février 2021), comparant l’Italie, la France, l’Allemagne et le Royaume-Uni, montrait bien les similitudes des deux premiers pays en matière d’état d’esprit, comme le faible niveau de sérénité et de bien-être. A plusieurs niveaux, l’Italie nourrit un complexe d’infériorité, entre sentiment de déclin, corruption et chaos.

Pour autant, le rapprochement de ces deux pays est observable, et ils ne peuvent que tirer mutuellement bénéfice d’une relation renouvelée : le site Politico[2], l’une des références en Europe, s’est récemment interrogé sur le fait de savoir si une alliance entre Mario Draghi et Emmanuel Macron pour remplir le vide laissé en Europe par Angela Merkel. Cela en dit long sur le potentiel de ce rapprochement, à condition d’y associer les partenaires du Med 7 (Espagne, Portugal, Grèce, Chypre, Malte), groupement qui pourrait gagner en influence comme l’a fait le groupe de Visegrad au sein de l’UE.

3) La victoire, notamment à l’euro, a suscité des scènes de liesse. Derrière cette euphorie, pourrait-il y avoir un contrecoup de la victoire ? Cette Italie qui gagne parle-t-elle à tous les Italiens ?

En 2020, il faut se souvenir que l’Italie a été le pays le plus touché lors de la première vague. L’euphorie réelle des Italiens après la victoire a donc davantage de portée que la simple victoire sportive, elle a une portée politique. Dès lors qu’il y a euphorie, il y a soit retour sur terre, soit lassitude, toute la question étant de connaître les conditions de l’atterrissage. Nul ne sait si l’Italie pourra emporter le mondial en 2022. Le contrecoup viendra nécessairement quand il s’agira de défendre chacun des titres.

Au-delà du contrecoup, il est évident que la vague d’optimisme pourrait s’accompagner de déception ; mais sans optimisme, le pays risque lui-même de s’enfoncer dans une sinistrose observable en France. Naturellement, les victoires récentes ne résolvent pas les crises sociales, les trajectoires économiques ou le sentiment de déclassement et de perte de repères. Derrière l’Italie qui gagne, qui s’élargit et qui va mieux, les déséquilibres persistent et sont encore lourds de menaces.


[1] https://www.repubblica.it/dossier/sport/olimpiadi-tokyo-2020/2021/08/02/news/malago_questa_cosa_vale_piu_dell_europeo_-312651398/?ref=RHTP-BH-I311105608-P3-S3-T1

[2] https://www.politico.eu/article/emmanuel-macron-mario-draghi-france-italy-angela-merkel/

L’article a été publié sur le site Atlantico.