Plus de souveraineté européenne, moins d’alliance transatlantique ? L’affaire des sous-marins (PARMENTIER – Atlantico)

A la suite des différents revers liés à la crise des sous-marins australien, Emmanuel Macron semble vouloir pousser un agenda « Europe First » et veut miser sur plus de souveraineté européenne et moins d’alliance transatlantique. Alors que la première réunion du US-EU trade and technology Council se tient ce mercredi à Pittsburg, la France sous-estime elle trop sa dépendance stratégique vis-à-vis des Etats-Unis ?

La crise des sous-marins australiens se joue sur différents théâtres, ce qui doit amener à l’analyser de manière précise. Une première dimension de cette crise et sa dimension politique, puisque la question de la confiance des alliés envers les États-Unis est désormais posée. Le fait de négocier entre un petit nombre de personnes à l’insu d’un partenaire méritait le renvoi d’ambassadeurs qui a été orchestré. En diplomatie, il faut répondre à une gifle par une gifle. Sur cette affaire, il faut bien comprendre que la qualité de l’armement français ne peut nullement être remise en question. Dans ce type de contrat, avec les transferts de technologie que supposait la construction de sous-marins en Australie, les retards qui était parfois mentionnés dans la presse australienne ne sont que des épiphénomènes pour un contrat dont les sous-marins devait fonctionner jusque dans les années 2080. Quelques mois ou semaine de retard sur un contrat qui engage pour plus de 60 ans une coopération entre deux pays n’est pas une raison pour rompre un contrat de cette nature !

Il y a donc à la fois une forte pression américaine, qui a probablement commencé sous Donald Trump et que Joe Biden a poursuivi, et une versatilité australienne dont les préférences sont passées d’une approche fondée sur la souveraineté à une approche centrée sur une relation avec un garant de sécurité, les Etats-Unis.

Très peu d’États européens ont ouvertement affirmé leur solidarité avec la France sur ce dossier, même si beaucoup peuvent désapprouver la méthode utilisée par les Américains. En revanche, les institutions bruxelloises ont très clairement affirmé leur soutien à la France, à la Commission comme au Conseil.

Dans ce cadre, le dilemme français est le suivant : faut-il trouver un cadre multilatéral engageant les États-Unis pour éviter ce genre d’agissement grossier, où doit-on au contraire commencer à envoyer des signaux indiquant la volonté de la France de changer de paradigme, de mettre plus de financement sur le renseignement, y compris économique ? Paradoxalement, la fin du contrat australien agit comme un électrochoc pour ceux qui ont poussé en sa faveur, souvent partisans d’une alliance plus étroite avec les Etats-Unis. Les deux approches ne sont pas si opposées qu’il n’y paraît, puisqu’il faut généralement créer un rapport de force avant de négocier, surtout quand la confiance est rompue. Ce qui est valable avec les Etats-Unis doit également l’être avec l’Allemagne, qui délocalise la production des moteurs Arianespace en Allemagne et tente de créer sa propre base de lancement de fusée en mer du Nord.

Si le gouvernement choisit l’option exigeante de la souveraineté stratégique, il faut savoir qu’elle prendra du temps avant de porter ses fruits, nécessité une cohérence dans le temps et une véritable stratégie industrielle ; à elle d’impulser un mouvement dans lequel chaque Etat européen pourra faire reconnaître ses intérêts. Alors que les Européens voulaient croire que Trump n’était qu’un déraillement populiste et agressif dans l’histoire américaine, il ne faut pas sous-estimer l’impact politique et psychologique lié au retrait américain de l’Afghanistan. L’Europe n’a clairement plus la même valeur stratégique qu’auparavant pour les élites stratégiques américaines qui se concentrent aujourd’hui sur le rival chinois, sans égard particulier pour ses alliés européens.

2) Les médias se font l’écho d’une certaine irritation des autres pays européens face aux initiatives françaises. La France néglige-t-elle l’avis de ses partenaires, notamment en Europe de l’Est, et leur méfiance à l’égard de la France, pour avoir réellement la capacité de mener à bien ses projets ?

Il faut regarder de plus près quels sont les médias qui relaient quelles informations : que des médias américains voient un intérêt à mentionner des critiques vis-à-vis d’une position française semble évident. L’affaire Snowden a pourtant montré aux Européens, en plus d’autres affaires espionnage (on pense au téléphone d’Angela Merkel avec la complicité du Danemark), que l’agacement peut se diriger vers la France mais que l’espionnage vient d’ailleurs.

Toutefois, les partenaires de la France peuvent-être agacés à juste titre de Paris, et ce à différents niveaux : un positionnement français parfois cassant et mal assuré, des élites politiques qui ne s’intéressent pas suffisamment au jeu bruxellois et aux perceptions des partenaires.

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