Derrière la crise migratoire à la frontière Pologne /Biélorussie, la pression grandissante de la Russie sur l’Europe (PARMENTIER – Atlantico)

Si le dictateur biélorusse joue sa propre partition pour dissuader l’UE de soutenir son opposition démocratique, les évènements actuels révèlent aussi une nouvelle escalade dans le conflit hybride qui oppose la Russie à l’Occident et qui comporte des dimensions politiques, énergétiques, sécuritaires et informationnelles.

Atlantico : Depuis le mois d’octobre de nombreux migrants se pressent à la frontière polono-biélorusse pour passer vers l’Union-européenne. Une vague migratoire que semble instrumentaliser l’homme fort de la Biélorusse : Alexandre Loukachenko. En poussant les migrants vers l’ouest de l’Europe, que cherche à faire le président biélorusse ? Voit-on ainsi une autre marche franchie dans l’escalade entre la Pologne et la Biélorussie ? 

Florent Parmentier : Depuis maintenant plusieurs mois, le pouvoir béilorusse met en place une réponse aux sanctions européennes, en cherchant  déstabiliser le voisin polonais. La Pologne fait partie des Etats-membres de l’Union européenne parmi les plus actifs pour envisager un changement de régime à Minsk, après les élections du 9 août 2020, qui ont vu le Président Loukachenko perdre l’assentiment populaire, martyriser sa population et de fait devenir un pariah international. 

En regardant la manière dont certains pays dans le voisinage de l’Europe fonctionne, il a décidé de créer sa propre filière migratoire en provenance des pays du Moyen-Orient pour attiser les peurs de l’opinion publique polonaise. En effet, les dirigeants du groupe de Visegrad (Pologne et Hongrie notamment) avaient marqué leur désir de refuser la solidarité européenne par le partage des migrants lors de la crise migratoire de 2015-2016, chauffant les opinions publiques à blanc. 

Dans ce contexte, il faut se rendre à l’évidence : il y a bien une crise humanitaire en gestation, mais c’est une menace créée par le régime biélorusse, qui utilisera la réponse des Polonais dans sa propagande : où sont les droits de l’Homme et le droit d’asile quand les migrants sont refoulés et disparaissent dans la forêt ? Il s’agit donc d’une action à dessein.  

Loukachenko bénéficie-t-il d’un accord tacite ou explicite de Vladimir Poutine ? Pourrait-il se comporter de la sorte si le président Russe s’opposait à ces manœuvres ? 

L’option politique qui a été choisie vient de Loukachenko. Mais Vladimir Poutine regarde avec intérêt la situation, pour plusieurs raisons. D’abord, il veut donner un exemple du « deux poids deux mesures » qui caractérise selon lui les diplomaties des Européens et des Américains. Les droits de l’Homme ne sont pas une valeur intangible quand il s’agit d’accueillir des migrants dans un pays qui n’en a pas la tradition. Les autorités russes rappellent également que ces migrants sont le fruit des interventions américaines au Moyen-Orient depuis une trentaine d’années ; ce n’est donc pas Moscou, mais Washington qui serait, dans le discours officiel russe, responsable de la crise actuelle. Enfin, la Russie dit ne pas se désintéresser de la crise, rappellant que ces migrants pourraient aussi choisir de se rendre sur la frontière Est de la Biélorussie, à savoir en Russie. 

Sans qu’il soit à l’origine de cette crise, celle-ci est donc également pour Vladimir Poutine l’occasion de tester la résistance des Européens à la pression et leur capacité à s’unir face à une menace inquiétant au premier chef les opitions publiques. C’est le régime biélorusse qui joue sa survie, pas le russe.

L’intégralité de l’article peut être lue ici.