Eurovision : qui vote pour qui? La réponse en graphique (PARMENTIER – Libération)

A chaque édition du concours musical, la répartition des votes suscite interrogations et soupçons. Pourtant, si de réelles proximités culturelles et linguistiques existent, elles ne suffisent pas à faire gagner la compétition. Explications avant l’Eurovision 2023.

par Damien Cottin et Julien Guillot

publié le 13 mai 2023 à 12h03

«Twelve points from Finland go to… Sweden !» Chaque année, à l’annonce du décompte, nombreux sont les habitués de l’Eurovision à lever les yeux ou à s’agacer de points échangés entre pays voisins. Si le discours rageur est facile – surtout pour la France, régulièrement snobée par ses voisins –, il pointe des affinités politiques et culturelles entre Etats. En analysant les résultats du concours depuis 2016 – date depuis laquelle le vote des téléspectateurs est rendu public –, certains liens se dessinent nettement. Le chercheur Florent Parmentier, secrétaire général du Cevipof, identifie ainsi des «alliances naturelles» dans trois zones : l’Europe du Nord, la sphère post-soviétique et l’espace balkanique.

(Julien Guillot/Savinien de Rivet)

Au sein de ces espaces, les pays ont, en effet, tendance à se soutenir. Ainsi, depuis 2016, les participants qui ont le plus voté pour la Suède sont le Danemark (61 points), la Finlande (34), l’Islande (48) et la Norvège (43). La Serbie bénéficie également de ce vote régional, en tête des votes de la Croatie (56 points), de la Macédoine du Nord (56), du Monténégro (48) et de la Slovénie (58). Plus que par la seule géographie, ces affinités peuvent également s’expliquer par la proximité linguistique. Par exemple, depuis 2016, la Grèce a accordé 60 points à Chypre, quand Nicosie a donné 46 points à Athènes. Même chose pour la Moldavie et la Roumanie qui s’échangent chaque année un maximum de points.

Les communautés établies à l’étranger jouent également un rôle important – d’où l’implication des ambassades chaque année pour mobiliser leur diaspora. C’est d’ailleurs ce qui explique notamment les nombreux points envoyés par la France à Israël (35 points), au Portugal (34) ou à l’Arménie (23) – qui offrent en retour chaque année une belle place à l’artiste français. Avant son retrait en 2013, la Turquie était l’un des plus gros bénéficiaires des votes de l’Europe de l’Ouest, en raison de fortes communautés immigrées, notamment en Allemagne.

Mais ces affinités ne suffisent pas à expliquer les classements et les victoires. Preuve en est la diversité des vainqueurs en vingt ans – 18 pays différents ont ainsi gagné depuis 2002. Parmi eux, certains ne bénéficient d’ailleurs pas particulièrement de la proximité avec leurs voisins. «Il n’y a par exemple pas de préférence constatée entre pays latins, note Florent Parmentier, ce qui n’a pas empêché les victoires en 2017 et 2021 du Portugal et l’Italie.» Car pour gagner l’Eurovision, le vote des pays amis ne suffit pas. Encore faut-il réussir à convaincre tout un continent, quitte à recourir à une chanson rock, des feux d’artifice ou des costumes de monstres