Entretien avec Philippe PERCHOC : les Etats baltes et le système européen (1985-2004)

 2 février 2014
Philippe Perchoc 1
 
EurAsia Prospective : Philippe Perchoc, vous venez de publier Les Etats baltes et le système européen (1985-2004). Etre européen et le devenir, chez Peter Lang. Comment vous est venu votre intérêt pour cette région ?
Philippe Perchoc : C’est le fruit d’une rencontre et d’un contexte, comme souvent. En 2003, j’étais étudiant à Londres et un camarade de ma résidence universitaire, Thomas Kurkdjian, et moi-même avons eu l’idée d’un site Internet qui présente les futurs dix nouveaux Etats membres de l’UE. J’ai alors choisi de lire un peu plus sur les Etats baltes et ça m’a passionné. En 2006, j’ai co-réalisé pour ARTE une série de documentaires autour de la mer Baltique intitulée « Baltic Trip » et ça n’a fait que confirmer mon goût pour cette région qui est peu connue en France.

EAP :  Vous parlez dans votre ouvrage des « nouveaux chemins des études baltes ». Comment votre ouvrage s’inscrit dans ce panorama ? Quelles sont les idées reçues sur la région qui restent à être démenties ?
Ph. P. : Pendant la Guerre Froide, l’intérêt pour la Baltique orientale était surtout le fait de communautés d’exilés en France ou de linguistes, notamment de l’INALCO à Paris. Avec l’indépendance retrouvée de ces trois pays en 1991, de nouvelles générations d’universitaires ont choisi de jeter un nouveau regard sur ces régions, comme Yves Plasseraud, Céline Bayou, Matthieu Chillaud, mais aussi des linguistes, des géographes comme Pascal Orcier ou Nicolas Escach. Au total, une quinzaine d’universitaires en France ont aujourd’hui commencé à renouveler l’approche de cette région.
Mon ouvrage s’inscrit dans ce mouvement, il s’intéresse à démontrer les liens entre politique interne et externe dans trois petits Etats européens à la conjonction entre monde-post-soviétique dans les années 1990 et intégration européenne aujourd’hui. Je crois qu’il permet de contribuer à la remise en cause d’un certain nombre d’idées reçues sur le fait que les pays dits « petits » n’aient pas de marge de manoeuvre, que ces trois pays se ressemblent au point de ne jamais les distinguer ou que les minorités russophones soient totalement exclues de leurs vies nationales.
EAP : Vous insistez dans votre livre sur le statut particulier des Baltes pendant la Guerre froide : formellement, les Occidentaux ne reconnaissaient pas leur annexion en droit, mais le sort des Baltes ne faisait aucun doute. Imaginez-vous un sort similaire pour la Crimée aujourd’hui ?
Ph. P : Effectivement, le sort des Etats baltes était spécifique pendant la Guerre Froide. Ils avaient été d’abord occupés par l’URSS en 1940 en vertu du pacte de 1939 entre Hitler et Staline. Les Occidentaux ont refusé dès lors de reconnaître en droit cet état de fait, et les diplomates baltes auprès des Etats-Unis par exemple ont été reconnus pendant toute la durée de la Guerre Froide. Cela a joué un rôle fondamental dans la légitimation du retour à l’indépendance sur les bases de 1939 et pas sur celles de 1991.
Pour la Crimée, il me semble que la situation est légèrement différente: il ne s’agit pas d’un Etat en tant que tel. Donc, les Occidentaux peuvent ne pas en reconnaître l’annexion par la Russie, et en conséquence, refuser que leurs diplomates en Russie s’y rendent, comme c’était le cas pour les républiques baltes soviétiques. Mais cela n’aura pas le même impact qu’une politique similaire poursuivie pendant la Guerre Froide.

 

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