Al Qaida et Daech : continuités et ruptures (BRET sur le HuffPost)

Cyrille BRET – Rémi DROUIN – 23 novembre 2015

Al-Qaida et Daech, organisations d’abord apparentées, puis rivales, sont aujourd’hui les deux noms de la barbarie. Elles ont de nombreux points communs : internationalisation, violence de masse, sunnisme réactionnaire. Toutefois, en changeant de centre de gravité, le djihadisme sunnite a pris trois tournants majeurs : l’étatisation, la militarisation et l’enracinement identitaire.

Retrouvez le texte sur le site du journal Les Echos.

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Du fanatisme sans frontières à l’étatisation du djihadisme : inscrite dans la mondialisation des années 1990, Al-Qaida a globalisé le terrorisme. Elle a frappé partout – en Afrique, en Europe, en Asie et en Amérique. L’organisation a mondialisé ses financements et a développé un réseau de franchises à travers le monde. Daech a repris cette stratégie globale mais l’a territorialisée et étatisée. Il se donne tous les attributs de la souveraineté étatique  (système fiscal, services sociaux, monnaie). A l’inverse d’Al-Qaida qui vivait à 90% de contributions internationales clandestines, il tente de s’autofinancer durablement (taxes, trafics).

Le djihadisme sunnite passe du messianisme sans frontières et sans terre d’Al-Qaida à l’étatisation d’institutions exportatrices mondiales de terreur.

De la terreur de masse à la militarisation du terrorisme : Al-Qaida a consacré le terrorisme de masse ou « hyperterrorisme » : la production de la terreur résulte presque plus du nombre de victimes que de la portée politique et symboliques des cibles. Le choix de ses modes d’action reflète cette tactique : détournements d’avion, explosifs, etc.

Daech reprend à son compte le choix du massacre, mais il militarise au maximum son action (usage d’armes de guerre, adoption d’uniformes, montage de réseaux locaux). Daech cherche à effacer la distinction entre guerre et paix, entre combattants et civils. Il militarise son action pour militariser les populations civiles malgré elles. Etablir un réseau de champs de bataille est son objectif.

Du messianisme millénariste à l’enracinement identitaire : le messianisme armé d’Al-Qaida vise l’instauration d’une oumma ou communauté des croyants dominant le monde. Al-Qaida, c’est la revanche générale de l’islam sunnite humilié par l’Occident et trahi par les princes du Golfe.

Daech a, lui, des racines plus circonscrites, car il prend sa source dans la crise irakienne et dans la lutte entre chiisme et sunnisme. Cela se reflète dans sa production idéologique : alors qu’Al-Qaida avait une ambition théologique forte, Daech se contente d’un message religieux résolument pauvre. Il axe toute sa communication sur de l’agit-prop de masse : les candidats au jihad se voient promettre femmes, biens matériels, etc.

En passant de l’organisation de Ben Laden à celle de al-Baghdadi, le terrorisme djihadiste a changé de nature : il est passé d’un messianisme internationaliste à une étatisation de la terreur. Pour mieux le combattre, il est donc nécessaire de souligner sa pauvreté religieuse, l’inanité de sa dimension historique et l’absurdité de son combat politique.

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