Premier tour des élections présidentielles moldaves : leçons du 30 octobre 2016 (PARMENTIER pour EurasiaProspective)

Les élections sont un temps fort de la démocratie : elles révèlent l’état des forces politiques, mais aussi l’état des institutions. La Moldavie était appelée aux urnes ce dimanche 30 octobre. Florent Parmentier revient sur le 1er tour des élections présidentielles moldaves, les premières depuis deux décennies.

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EurasiaProspective: les élections présidentielles viennent d’avoir lieu en Moldavie. Quels ont été les candidats et les partis en présence ? Quels ont été les grands thèmes de la campagne ?

 

Florent Parmentier : ce dimanche 30 octobre a vu les premières élections présidentielles depuis près de 20 ans, suite à un changement de mode d’élection intervenu cette année ; les derniers présidents ont été directement élus par le Parlement.

 

Le champ politique moldave connaît des particularités propres, qu’il faut garder en mémoire afin d’appréhender la situation : c’est souvent moins l’économie qui divise les candidats que leur vision du positionnement du pays, c’est-à-dire son identité et sa géopolitique, en fonction de situations locales, professionnelles ou personnelles. Plus précisément, une partie de l’électorat voit le développement de la Moldavie à travers des liens plus étroits avec l’Union européenne, garante d’une prospérité accrue ; en contrepoint, une partie aussi importante de l’électorat conçoit l’avenir de la Moldavie à travers des relations plus étroites avec la Russie.

 

Deux personnalités ont dominé la campagne : le candidat du Parti des socialistes Igor Dodon, et la candidate Maia Sandu du nouveau parti de l’Action et de la solidarité. Le premier veut combattre l’unionisme (le rattachement de la Moldavie et de la Roumanie), l’amélioration des relations avec la Russie et la défense de l’Orthodoxie. La seconde souhaite s’attaquer à la pauvreté, la corruption et aux oligarques.

 

Les autres candidats ont tenté d’exister, mais s’avèrent bien en retrait.

 

EurasiaProspective : dans quelles conditions de transparence le scrutin s’est-il tenu ? Le taux de participation est-il significatif ? Quel est le véritable vainqueur du scrutin ?

 

Florent Parmentier : le système politique moldave est encore jeune, et des questions subsistent sur le financement de la vie politique, le pluralisme des médias ou l’importance des structures oligarchiques. Cependant, la Moldavie parmi les Etats les plus pluralistes du Partenariat oriental, avec la Géorgie et l’Ukraine. Le taux de participation est resté limité, mais suffisante pour valider le scrutin : 48,9% des électeurs ont fait le déplacement.

 

Le résultat du premier tour donne une avance extraordinaire aux deux principaux protagonistes, qui remportent plus des trois quarts des votes : Igor Dodon emporte 49% des suffrages, contre plus de 37,5% pour Maia Sandu. C’est un résultat impressionnant lorsque l’on sait que le 3ème, Dumitru Ciubasenco ne recueille qu’un peu plus de 5% des suffrages.

 

Les grands perdants sont les politiques au pouvoir après l’alternance de 2009 : Marian Lupu s’était désisté en faveur de Maia Sandu, mais l’ancien Premier ministre Iurie Leanca ne recueille que 3% des voix et Mihai Ghimpu moins de 2%. Les candidats indépendants (Valeriu Ghiletchi, Silvia Radu et Maia Laguta) et Ana Gutu (Dreapta – la droite) réalisent des scores inférieurs.

 

Igor Dodon mène donc largement la course, mais la victoire n’est pas garantie pour autant dans la mesure où son adversaire à un plus grand réservoir de voix. L’élection ne fait donc que confirmer la polarisation de la population moldave.

 

EurasiaProspective : quel sera l’impact de l’élection sur le positionnement géopolitique du pays ? Dans ses rapports avec l’UE ? Dans ses relations avec la Russie ?

 

Florent Parmentier : La victoire d’Igor Dodon ou de Maia Sandu ne sera pas sans incidence, mais il faut garder en tête la faible marge de manœuvre dont dispose la Moldavie dans son environnement régional.

 

A chaque alternance, les pouvoirs en place ont systématiquement dû tenir compte des arguments de leur opposition. A titre d’exemple, le Parti des communistes était très favorable à la Russie pendant sa campagne électorale de 2001, mais a dû progressivement se réorienter vers l’Union européenne. À l’inverse, l’Alliance pour l’intégration européenne de 2009 a essayé d’établir des relations plus constructives avec la Russie, qui s’étaient nettement dégradées sous le précédent gouvernement.

Ainsi, Igor Dodon Président devrait clarifier sa position vis-à-vis de l’Union européenne : il devrait notamment prendre position sur l’accord de libre-échange approfondi et complet dans lequel la Moldavie est engagée depuis 2014. De l’autre côté, Maia Sandu devrait également tenir compte d’un contexte régional ou la Russie est un acteur incontournable et qui tient les clés de la Transnistrie. Dans un cas comme dans l’autre, les positionnements électoraux devront de s’adapter aux réalités du pouvoir.