Obama et Poutine, à front renversé (PARMENTIER pour France 24)

Florent PARMENTIER était l’invité de France 24 le 30 décembre 2016.

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La décision du Président Obama d’expulser 35 diplomates russes, ce qui représente plus d’un quart des diplomates russes présents aux États-Unis, n’est certes pas sans précédent. Il faut toutefois remonter à 2001, sous la présidence de George W Bush, pour trouver une expulsion comparable, puisque à l’époque ce sont une cinquantaine de diplomates qui avaient dû quitter le territoire.

Trois semaines avant son départ, cette décision forte est là pour rappeler les griefs qu’Obama dresse à l’égard de la Russie : outre une concurrence géopolitique féroce, le Président américain s’insurge de l’interférence électorale attribuée à des pirates russes soutenus par le gouvernement.

La situation amène tout d’abord à dresser deux constats. Le premier concerne Obama : l’expulsion massive témoigne que la politique du redémarrage souhaité à son arrivée au pouvoir (le ‘reset’) est morte et enterrée au moins depuis 2014. Le second est que Vladimir Poutine a décidé de jouer la carte Trump, non seulement au moment des élections, mais également aujourd’hui : en ne prenant pas le parti des représailles, il n’obère pas les chances d’un éventuel rapprochement après l’arrivée de Trump. Qui a salué « l’intelligence » qu’il attribue à Vladimir Poutine.

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Au-delà du message diplomatique à l’égard de la Russie, Obama a également voulu s’adresser à deux types de public à l’interne. D’une part il essaie tout d’abord de mettre devant le tribunal de l’opinion publique ce qu’il estime être une manipulation ourdie par la Russie avec la complicité de son successeur. D’autre part, il tente de sauver la face au Parti démocrate, sorti paradoxalement vaincu par les urnes (en réalité par les grands électeurs), et qui attribue sa défaite au piratage russe.

L’expulsion replace la Russie au centre de la politique américaine pour au moins trois raisons. Tout d’abord, la question russe devient une question de politique interne : nul doute que la Sénat ne se désintéressera pas de sitôt de cette histoire de manipulation électorale. John McCain ou Lindsey Graham, aux positions tranchées sur la Russie, maintiendront la pression au sein même du parti Républicain, probablement de concert avec les Démocrates. Ensuite, Vladimir Poutine se trouve en bonne position pour profiter de l’alternance, le Président Trump souhaitant tourner la page : le « grand marchandage » qu’attend le Président russe n’est peut-être pas si loin, qui plus est à un moment où la Russie a repris l’initiative de manière spectaculaire en Syrie. Enfin, il existe un réel enjeu sur le plan de la cybersécurité et du renseignement : la communauté américaine du renseignement a vu une intrusion russe (du GRU, le renseignement militaire, et du FSB, les services secrets) dans les affaires de piratage qui ont émaillé la campagne électorale, en dépit des dénégations russes. Les relations entre le Président et les services de renseignement promettent quelques tensions et incompréhensions.