Populisme aux Pays-Bas et chemins de l’Etat de droit (PARMENTIER pour Atlantico)

Florent PARMENTIER est invité à s’exprimer sur les élections néerlandaises par Atlantico, dans la lignée de son ouvrage : Les chemins de l’Etat de droit (Paris, Presses de Sciences Po, 2014).

 

 

La victoire du VVD du libéral Mark Rutte aux législatives des Pays-Bas sont principalement présentées comme une victoire contre le Parti de la Liberté de Geert Wilders. Mais pour l’emporter, Mark Rutte a choisi de faire une politique plus à droite qu’à l’accoutumée. Peut-on dès lors parler véritablement de défaite du populisme ou de mutation de la droite hollandaise ?

 

Le résultat des élections législatives hollandaises a effectivement donné un score moins important qu’attendu à l’extrême-droite, au profit  du candidat libéral de centre-droit Mark Rutte, qui a été durant cette campagne sur des positions plus droitière que traditionnellement. Cela s’est traduit notamment au moment d’adresser une réponse de fermeté à la Turquie, quand le gouvernement de cette dernière a voulu organiser  un meeting à destination de la diaspora. Mark Rutte a également eu des mots durs à l’égard de son concurrent, en écrivant une lettre dans laquelle il lui conseillait de « quitter le pays, s’il le rejette aussi fondamentalement ». Dans le même temps, l’extrême-droite de Geert Wilders a  tout de même gagné 5 sièges de députés, dans un contexte de très forte participation (81%).

Pays-Bas : derrière le soulagement démocratique, a-t-on bien vu les recettes employées par le Premier ministre libéral pour stopper le populisme d’extrême droite ?

C’est ce résultat, après le Brexit ou l’élection de Trump, qui a conduit au constat d’une « droitisation » du système politique hollandais. Historiquement terre de tolérance, ayant accueilli par exemple de nombreux Français protestants, le pays avait été durablement marqué par le meurtre de Théo Van Gogh en 2006, ayant conduit à une montée de l’extrême-droite, d’abord sous la direction de Pim Fortuyn, puis sous celle de Geert Wilders.

 

On peut toutefois discuter du contenu de cette “droitisation”, dans la mesure où les concepts de droite et de gauche ne renvoient pas à des idées intangibles et universelles, mais à des coalitions politiques et à des jeux d’acteurs. Dès lors, on pourrait également faire le constat que cette droitisation constatée s’accompagne en réalité d’une gauchisation, pour un certain nombre de partis d’extrême-droite, du programme économique. Le programme du FN, très libéral au milieu des années 1980 n’est aujourd’hui plus du tout de mise. Ce type de partis tend de répondre à la fois à une insécurité culturelle liée à une évolution des modes de vie, ainsi qu’à une insécurité économique liée aux effets de la mondialisation.

 

Dans le même temps, il ne faut pas perdre de  vue que les écologistes hollandais ont réalisé une progression de 10 sièges,  ce qui est en fait une percée plus importante que celle de l’extrême-droite.

 

 

Sur quels thèmes se fonde généralement cette droitisation en Europe? La question des migrants, l’opposition à l’Islam, le conservatisme, l’ultra-libéralisme ?

 

La droitisation relève effectivement de plusieurs logiques, qui se renforcent : l’opposition aux migrants (sauf éventuellement aux chrétiens d’Orient), la peur des changements de mode de vie lier à l’émergence d’un islamisme militant, et les valeurs liées au conservatisme social (à l’heure pourtant où un certain nombre de ces pays ont adopté le mariage pour deux personnes de même sexe) en constituent le ciment. L’ultralibéralisme  ne va quant à lui pas nécessairement de pair avec le populisme : dans les États à forte tradition marchande comme les Pays-Bas, cela peut-être le cas, mais pas forcément dans les pays à plus forte tradition étatiste comme la France.

 

On trouve également au cœur de l’idée de droitisation une remise en cause des fondements de l’État de droit, fondement d’un ordre libéral politiquement. Comme j’avais pu le montrer dans mon précédent ouvrage (Les chemins de l’État de droit,  Presses de Sciences-Po,  2014), se revendiquer du peuple pour contourner l’Etat de droit devient un mouvement politiquement accepté par une partie des citoyens. Or, l’Etat de droit est apparu historiquement comme un moyen d’échapper à l’arbitraire, par le biais de corps intermédiaires permettant de garantir un haut niveau de liberté et de justice. La modération propre au centre-droit faisait au contraire de la valorisation de l’Etat de droit l’une des vertus cardinales du système politique libéral.

Pour lire la totalité de l’entretien, voir :

http://www.atlantico.fr/decryptage/pays-bas-derriere-soulagement-democratique-t-on-bien-vu-recettes-employees-premier-ministre-liberal-pour-stopper-populisme-2994032.html