Le président Trump a prononcé à Riyad, devant les représentants de nombreux Etats du Moyen-Orient un discours qui rompt avec les orientations de l’administration Obama : retour de l’alliance saoudienne, lutte contre l’Iran, hostilité au Hezbollah, ventes d’armes dans le Glfe, etc. Loin de se révéler le président iconoclaste annoncé, le président américain revient aux piliers historiques de la diplomatie américaine dans la région.
1. Dans son discours à Riyad devant les principales nations du monde musulman (Iran, Liban et Syrie exclues), Donald Trump a appelé ses « partenaires » à l’épauler dans sa lutte contre le fondamentalisme terroriste et a dénoncé le rôle de l’Iran dans la propagation du terrorisme. Ne s’agit-il pas d’un retour aux positions néoconservatrices défendues par son prédécesseur George W. Bush, lequel avait dès 2002 déjà placé l’Iran dans la liste des forces de l’Axe du Mal ? Comment expliquer cette nouvelle approche, qui semble, à priori, être à un revirement après l’ère Obama ?
La présidence Trump est très clairement en train de revenir au réseau d’alliance traditionnel des Etats-Unis depuis les années 70. Ce réseau est composé d’Israël et de l’Arabie Saoudite. L’objectif est de contenir les puissances montantes de la région que sont l’Iran et désormais la Russie. Mais on ne peut pas parler de néoconservatisme. Car les néo-conservateurs et le classement dans l’Axe du Mal de la Corée du Nord ou de l’Iran comme l’avait décrit George W. Bush avaient pour ambition une démocratisation du monde. Ce qu’on dénonçait au travers de l’Axe du Mal était l’absence de démocratie et en réponse on prônait une démocratisation par l’exportation. Aujourd’hui, nous avons à faire à une stratégie beaucoup plus traditionaliste qui consiste à contenir par les armes et les moyens militaires et pas du tout par une lutte dans le domaine idéologiques ou des institutions.
Il s’agit dès lors de soutenir les institutions établies, à commencer par la monarchie saoudienne sur les bases du pacte du Quincy, qui consiste à garantir la stabilité de la dynastie de Saoud contre l’approvisionnement en pétrole et avec un approvisionnement en armes. Et aussi Israël, et de ce point de vue là, on voit bien qu’il y a un infléchissement net par rapport aux résolutions prises le 14 juillet 2015 dans l’accord sur le nucléaire iranien. Avec l’intervention russe en Syrie, tout a été remis en question. Pour les Etats-Unis, le discours de Riyad est une réponse au discours du 24 septembre 2015 du Président Poutine qui élaborait un axe Moscou-Téhéran-Damas appuyé par le Hezbollah. A l’est rien de nouveau pour Trump : ce sont les stratégies conservatrices classiques (et non néo-conservatrice) qui sont ici à l’œuvre.
2- Quelle est la pertinence d’une ferme opposition à l’Iran du point de vue américain ? Depuis la révolution de 1979, quelle a été la logique défendue par l’administration américaine ? Quelle est la nature de la crainte de Teheran par Washington, au travers du prisme de la géopolitique globale américaine ?
La logique de l’administration Obama était de sortir du régime de sanction qui datait de 1979 et de la prise d’otages des diplomates américains dans l’ambassade afin de mettre fin au cercle vicieux qui faisait que chaque sanction entrainait un durcissement du régime. Les sanctions avaient un effet sur la mobilisation de l’opinion autour des leaders les plus conservateurs et anti-occidentaux. Ce qui s’est passé avec Obama, c’est la conjonction d’un changement de diplomatie américaine prônant l’apaisement, le désengagement en Irak et la recherche d’une solution au problème nucléaire en Iran d’un côté et de l’autre l’élection d’un gouvernement plus moderne, plus libéral, et en tout cas partisan d’une modernisation de l’économie iranienne par son insertion dans les flux internationaux. La pertinence actuelle de la nouvelle stratégie (pas si nouvelle donc) de Trump est de rétablir un rapport de force clair avec la Russie. Le choix est clair, et c’est le même que celui fait par la France : les monarchies sunnites et les régimes traditionnels contre le régime iranien. Toute la difficulté actuelle va être de réussir à manier le démantèlement des sanctions qui a été promis par les Américains dans l’accord de 2015 et la ligne dure afin de rassurer les Alliés saoudiens et israéliens.
3. Hassan Rohani a été réélu en Iran et s’il avait symbolisé le réchauffement des relations avec les Etats-Unis d’Obama, que peut-on anticiper de l’avenir du nouveau couple américano-iranien à partir de ce choix des Iraniens ?
D’un côté, les Iraniens sont très fortement engagés militairement et économiquement en Syrie par l’intermédiaire directement des Pasdarans ou indirectement du Hezbollah qui mènent une campagne très dure contre les opposants au régime d’Al Assad et en coordination très étroite avec la Russie.
Mais de l’autre il faut prendre en compte le résultat des élections : la mobilisation électorale a été forte, et les Iraniens ont réélu avec une forte majorité le Président sortant Hassan Rohani. Ce qui s’exprime dans ce vote, c’est la volonté de soutenir l’ouverture économique, et le retour d’une certaine prospérité. L’Iran patine d’un point de vue économique du fait de l’application des sanctions sur plusieurs décennies. Et l’autre signal envoyé par les Iraniens, c’est que pour préparer une éventuelle succession de Khamenei le guide suprême, ce sera un président favorable à l’ouverture du pays et favorable à certaines réformes du régime institutionnel de la République islamique d’Iran qui sont à privilégier. Ce qui ne veut pas dire qu’ils soient prêts à tous les accommodements avec les Etats-Unis. Ce que souhaite les Iraniens des Etats-Unis, c’est un démantèlement des sanctions et certainement un empiétement sur leur souveraineté et sur leur rayonnement international. L’Iran est donc aussi prise dans une situation très compliquée : d’un côté obtenir plus de libéralisation économique et de prospérité en coopérant avec les Etats-Unis mais d’un autre côté maintenir une diplomatie régionale ambitieuse car Téhéran est la puissance montante actuelle de la région.