La compétition sportive internationale la plus regardée de l’année 2018 sera la compétition de football de la FIFA. Seuls les Jeux Olympiques d’été auraient pu entrer en lice en termes d’audience télévisuelle. Mais, en 2018, la Coupe du monde de football éclipsera les autres événements.
La signification géopolitique de l’événement tiendra tout simplement au lieu, à la durée et au moment de la compétition. Elle se déroulera du 14 juin au 15 juillet dans 12 villes de Russie occidentale ou européenne. Autrement dit, le Mondial de football 2018 placera sous les yeux de l’opinion internationale, durant tout un mois, un Etat en butte à des sanctions économiques, financières et sportives. Là encore, les questions d’image nationale seront au cœur des préoccupations du pays hôte.
D’une part, le Mondial se déroulera dans un Etat dont le comité olympique national vient d’être suspendu par le Comité olympique international en raison de dopage lors des derniers Jeux de Sotchi. Le CIO a seulement laissée ouverte la possibilité, pour les athlètes russes n’ayant jamais été suspendus pour dopage et se soumettant à des tests, de participer à la compétition en tant qu’« athlètes olympiques de Russie ». Dans un pays qui a depuis longtemps érigé le sport de haut niveau en levier d’influence, en outil de prestige national et en instrument de statut géopolitique, il s’agit d’un camouflet significatif. La réussite de l’organisation du Mondial 2018 sera, pour les autorités russes, un moyen d’essayer de retravailler son image : effacer les controverses sur les coûts financiers et environnementaux des Jeux de Sotchi, redorer sa réputation en matière de lutte contre le dopage et de droits des homosexuels et attirer le plus possible de spectateurs européens, tels seront les premiers défis de la Russie. Le pays a en effet fait construire ou de rénover à grands frais 12 stades (cf. carte), a transformé Moscou au risque de susciter de multiples manifestations à l’approche des élections présidentielles de mars 2018.
D’autre part, le Mondial se déroulera dans un Etat en butte à des sanctions économiques et financières, suite à l’annexion de la Crimée et à la guerre dans le Donbass en 2014. L’économie russe, plongée dans la récession depuis lors notamment en raison de la chute des prix des hydrocarbures, vient tout juste de se rétablir. Et, sur la scène diplomatique, la Russie a repris l’initiative en déclenchant une expédition militaire en Russie à partir de septembre 2015. Toute la question est aujourd’hui celle de la stratégie de la Russie au mitan de 2018, au moment où l’Union européenne examinera la possibilité de levée partiellement ou complètement les sanctions, en même temps qu’elle analysera la mise en œuvre du cessez-le-feu en Ukraine, en vertu de l’accord dit « Minks II ». La Russie choisira-t-elle l’apaisement et la reprise du dialogue pour éviter le boycott des dirigeants européens qui s’était produit pour les Jeux d’hiver de Sotchi ? On se souvient que la Chancelière Merkel et le Président Hollande avaient refusé d’assister aux Jeux pour protester contre l’annexion en cours de la Crimée. Ou bien fera-t-elle plutôt de l’événement une tribune pour l’affirmation de la puissance russe ? La même question se pose en politique intérieure : les autorités russes mettront-elles l’accent sur la sécurité, la lutte anti-terroriste et la pression sur les forces d’opposition ? Ou bien souhaiteront-elles montrer un visage avenant pour les opinions occidentales en laissant l’opposition s’exprimer ?
Apaisement ou rupture ? Les symboles et les signes seront à scruter quelques mois après la réélection, pour la quatrième fois, de Vladimir Poutine à la présidence de la Fédération de Russie, probablement au premier tour, le 18 mars 2018, date anniversaire de l’annexion de la Crimée. Là encore, la quête de l’image nationale et l’évolution des affaires internationales se cristalliseront dans le sport.
Depuis longtemps les grandes compétitions sportives internationales ont quitté le statut d’événements mineurs car seulement divertissants. Elles sont devenues des enjeux de puissance et de communication pour les Etats. Le nation brandinget le softpower de la Corée, de la Russie, de l’Australie et du Royaume-Uni seront au centre de l’année sportive 2018.
Retrouvez le papier ici : BRET Sport et politique 2018