Sport et politique en 2018: le Brexit, guest star des Jeux du Commonwealth (3/4)

Le deuxième grand événement sportif international de l’année 2018 se déroulera en Australie du 4 au 15 avril 2018. Il s’agit de la 21ème édition des Jeux du Commonwealth. Le public sportif francophone méconnait cette compétition. Et pour cause car ils ont été créés par la « perfide Albion.

Depuis 1930, ils réunissent les 53 nations du Commonwealth britannique tous les quatre ans. Successivement dénommés « Jeux de l’Empire britannique » puis « Jeux du Commonwealth britannique », ils maintiennent, sur le plan sportif, culturel et symbolique, le lien entre les Etats liés, d’une façon ou d’une autre, à la couronne britannique. En particulier, la tradition veut qu’une course en relai (Queen’s Baton Relay) parte de Buckingham Palace vers le lieu des Jeux, portant un message du monarque britannique à la cérémonie d’ouverture des Jeux. Une version britannique du parcours de la flamme olympique comme l’illustre la carte ci-dessous.

ccaf62b0e9108f4dee429d03ef38bcec.jpg

La communauté culturelle britannique s’illustre également dans les sports officiels : si 26 sports sont reconnus par le comité d’organisation, la compétition met l’accent sur les sports populaires dans le monde anglo-saxon comme le rugby à 7, le boulingrin et le netball.

La signification politique de cette compétition tient d’abord à son audience : 9 millions de téléspectateurs ont regardé la cérémonie d’ouverture de l’édition 2014 à Glasgow et 1,5 million de téléspectateurs en moyenne sont attendus pour l’édition 2018 en Australie. De plus, 70 pays y participeront, issus de tous les continents. Au plan diplomatique, ils se réuniront également en sommet à Londres au même moment. De plus, ces compétitions donnent lieu à des controverses politiques classiques : en 1986, les nations non-européennes boycottèrent l’événement organisé à Edimbourg en raison du maintien par le gouvernement Thatcher de liens sportifs avec l’Afrique du Sud de l’Apartheid et, pour l’édition 2010 à Delhi, des scandales de corruption ont éclaté.

1200px-2010_Commonwealth_Games_Logo.svg

La 21ème édition des Jeux du Commonwealth ont des enjeux géopolitiques qui excèdent largement la simple commémoration de liens culturels et historiques.

En Asie, cette édition rappellera l’importance que l’Australie a de nouveau acquise dans la géopolitique de l’Asie. Le contexte est bien différent de celui des Jeux Olympiques de Sydney de 2000 et des jeux du Commonwealth de 2006 à Melbourne. De nouveau, le pays déploie ses efforts militaires conséquents : il a annoncé une augmentation drastique de ses budgets de défense jusqu’à atteindre 2% du PIB en 2021. La commande de pas moins de 12 sous-marins à la France constitue le programme phare de ce programme de réarmement. En accueillant les sélections du Commonwealth, l’Australie manifestera sa capacité fédératrice dans des zones (océans Pacifique et Indien) où l’expansion de la flotte chinoise inquiète d’anciennes colonies britanniques : la Nouvelle-Zélande, l’Inde, la Malaisie au premier chef. Par ces Jeux, l’Australie manifestera son rôle de chef de file dans le Pacifique Sud et l’Océan Indie, notamment à l’allié américain.

En Europe, cette compétition comportera des symboles importants. Elle interviendra au moment où les négociations sur le Brexit seront une nouvelle phase[5] mais aussi au moment où le Royaume-Uni occupera la présidence tournante de l’organisation du Commonwealth, de 2018 à 2020. De plus, le renforcement des liens avec le Commonwealth a constitué un argument très important, durant la campagne référendum, dans l’argumentaire des partisans du Brexit. Pour les Brexiters, Boris Johnson au premier chef, le Brexit sera l’occasion de développer le commerce avec le Commonwealth[6] et de renouer avec le grand large et la politique internationale. Moins d’Europe et plus de Commonwealth, selon un principe de vase communicant !

s465_unga-reception-gov1__2_.jpg

Les Européens auraient donc tort de se désintéresser de cette 21ème édition des Jeux du Commonwealth : ils donneront des signaux importants pour l’évolution de l’Asie… et de leur propre continent.

Demain : le Mondial de football de la Russie…