Retour sur la première année de Donald Trump à la Maison-Blanche : bilan et perspectives (2/2) (BOURGOIS pour EurasiaProspective)

Au lendemain du premier discours sur l’Etat de l’Union du président Trump, Pierre BOURGOIS dresse le bilan d’un an de présidence.

Lecandidat Trump s’était placé, durant toute la campagne, en constante opposition avec la politique menée par son prédécesseur, Barack Obama. Si la première année d’exercice du pouvoir du Président Trump semble avoir éclairci de nombreux points concernant sa vision politique, elle suscite également de nombreuses interrogations, tant en politique intérieure qu’en matière de politique étrangère. À ce titre, la première année de présidence de Donald Trump fut incontestablement mouvementée.

Donald Trump le 18 janvier 2018 à l'Andrews Air Force Base aux Etats-Unis.

 

Politique intérieure

Sur le plan intérieur, le Président s’est très vite employé à détricoter l’héritage de son prédécesseur. Voulant aller vite, il a notamment consacré ses premières semaines au pouvoir à signer une multitude de décrets. Pour autant, ses premiers grands succès législatifs se sont fait attendre.

Après 6 mois au pouvoir, le bilan était en effet sans appel : aucune grande réforme à l’actif du Président américain, cela malgré la majorité républicaine à la Chambre des représentants et au Sénat. À ce titre, son plus grand échec demeure sûrement son incapacité à abroger l’Obamacare, l’une de ses promesses « phares » de campagne. Donald Trump paie ainsi clairement les divisions profondes présentes au sein du Parti républicain, notamment entre l’aile modérée et les ultra-conservateurs incarnés, en premier lieu, par le Freedom Caucus. Pourtant, le Président avait plusieurs fois mis en avant ses qualités de négociateur. Celles-ci n’ont donc pas suffi dans ce dossier ô combien épineux de la réforme du système de santé. Ainsi, ses différents échecs sur ce dossier au printemps ou encore à partir de juillet 2017 représentent clairement un revers considérable pour le Président qui, malgré des tentatives règlementaires, porte aujourd’hui comme un fardeau cette incapacité à tenir cet engagement de campagne emblématique.

Sa seule grande réforme législative reste à ce jour la réforme majeure – la plus grande depuis 1986 – de la fiscalité américaine. Avec cette réforme adoptée par le Sénat début décembre et définitivement validée par le Congrès fin décembre, le Président Trump tient effectivement sa première grande victoire législative. Ainsi, au-delà de la dimension politique, cette réforme revêt également, on l’a vu, une dimension symbolique pour le Président au vu de ses échecs sur d’autres dossiers, en premier lieu, on l’a vu, son incapacité à réformer l’Obamacare. À cet égard, le Président s’appuie clairement sur cette victoire pour bonifier son bilan, mais pas seulement. Donald Trump met également en avant les bons chiffres actuels de l’économie américaine. En effet, la croissance économique du pays se porte relativement bien, s’élevant à plus de 3% fin 2017, alors que le taux de chômage, lui, tombe à 4% environ, soit son niveau le plus bas depuis 2000. Quant à la bourse, elle semble également se porter à merveille, les marchés financiers étant notamment rassurés par la première année du Président Trump et plus généralement, par la bonne santé économique des États-Unis. Ainsi, les indicateurs de l’économie américaine semblent pour la plupart au vert, ce qui permet au Président américain de mettre en avant les bienfaits, selon lui, de sa politique et de légitimer, par conséquent, sa vision plus globale pour le pays.
Pourtant, la société américaine reste profondément divisée, notamment au sujet même du Président américain dont la personnalité et les orientations politiques de cessent de cliver. À ce sujet, la grande réforme fiscale de fin 2017 ne permettra sûrement pas à Donald Trump de conquérir une part importante de nouveaux citoyens américains, celle-ci étant d’ailleurs déjà décriée, par ses opposants, comme une réforme à l’avantage des plus riches. Le Président Trump devra donc essayer, en 2018, de convaincre par d’autres moyens ceux qui doutent toujours de son action. Une mission qui semble extrêmement difficile – si ce n’est impossible – au vu de la forte polarisation de la société américaine.

Politique étrangère

L’action du nouveau Président américain était également fortement attendue en matière de politique étrangère. Durant toute sa campagne, le candidat Trump a voulu se placer aux antipodes de Barack Obama, dénonçant régulièrement son bilan sur le plan international. Le milliardaire américain n’a ainsi cessé de fustiger l’« interventionnisme » de son prédécesseur et plus largement, celui de nombreux anciens Présidents américains tel que George W. Bush, qui mena, au début des années 2000, une politique étrangère « musclée » sur la scène internationale, comme l’illustrent notamment les interventions militaires effectuées en Afghanistan en 2001 et surtout en Irak en 2003. Avec son slogan « America First », Donald Trump semblait alors défendre une volonté de se recentrer davantage sur les intérêts intérieurs américains et apparaissait ainsi souvent proche d’une certaine forme d’isolationnisme.

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À cet égard, la première année au pouvoir de Donald Trump fut surprenante à bien des égards. Le bombardement d’une base aérienne de l’armée syrienne près de Homs début avril 2017, cela afin de répondre à l’attaque chimique de Khan Cheikhoun, l’utilisation peu après de la plus puissante bombe non nucléaire de l’arsenal américain en Afghanistan ou encore, l’élimination d’un avion de l’armée syrienne accusé d’avoir attaqué les forces combattant Daesh (soutenues par les États-Unis) en juin 2017 constituent autant d’exemples ayant surpris de nombreux observateurs internationaux. En effet, ces décisions semblaient alors mettre en avant un véritable revirement « interventionniste » du nouveau Président américain.
Pour autant, celui-ci semble plutôt, jusqu’à présent, défendre une forme de « diplomatie transactionnelle » s’appuyant sur les qualités de négociateur qu’il met régulièrement en avant. Plus généralement, le Président américain pourrait davantage être assimilé à l’approche « Jacksonienne » de la politique étrangère, pour reprendre la classification de Walter Russell Mead. Mais ce qui semble peut-être caractériser le plus la politique étrangère de Donald Trump, c’est son imprévisibilité. En effet, la plupart des dossiers concernant la politique étrangère américaine semblent considérablement nourris de cet aspect indéniable de la personnalité du nouveau Président. Si cette imprévisibilité est cultivée par le Président américain lui-même, elle n’en reste pas moins source de véritable inconstance – si ce n’est incohérence parfois – dans de nombreux dossiers en politique étrangère. La première année au pouvoir du Président Trump a incontestablement permis d’éclairer l’approche de la politique étrangère de Donald Trump. Pourtant, elle suscite parallèlement de nombreuses interrogations.

Il est encore difficile d’identifier clairement un positionnement précis du Président américain sur l’ensemble des dossiers fondamentaux de la politique étrangère américaine. De même, on ne mesure pas encore avec précision l’influence réelle de ses divers conseillers – aux opinions parfois contraires – en la matière et le poids que ces derniers sont amenés à prendre durant le reste du mandat de Donald Trump. Sur ce point, le Président semble de toute façon se laisser, en dernière instance, le libre choix d’agir seul et de manière imprévisible.

Comme chaque Président nouvellement élu, Donald Trump a rapidement dû se confronter à la réalité du pouvoir. En politique intérieure comme en politique étrangère, il a fait face à une situation souvent bien plus complexe que celle régulièrement présentée dans ses discours de campagne. Le Président Trump, toujours englué dans l’« affaire russe » , tente aujourd’hui de dresser un bilan positif de cette première année au pouvoir, porté notamment par une situation économique grandement favorable. À cet égard, de sa côte de popularité dépendront sûrement en grande partie les résultats des élections cruciales de mi-mandat de novembre 2018. Dans cette optique, se dégager de toute responsabilité dans le « shutdown » de ce début d’année constitue sans aucun doute déjà un enjeu crucial pour le Président.

Pierre Bourgois
Doctorant en science politique, Attaché temporaire d’enseignement et de recherche (CMRP-IRM), université de Bordeaux.
Contact : pierre.bourgois@hotmail.fr