Les défis de la présidence autrichienne de l’UE (BRET sur Atlantico)

13880813_web.jpgAvec l’accession de son pays à la présidence de l’Union européenne, le jeune (31 ans) Chancelier conservateur de l’Autriche Sebastian Kurz (cf. photo veut mettre l’accent sur la sécurité en Europe. Atlantico interroge Cyrille BRET sur les enjeux de cette présidence de six mois:  BRET Autriche UE

 

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Atlantico : Depuis le 1er juillet, l’Autriche a pris le gouvernail de l’Union européenne pour une durée de 6 mois. Durant une cérémonie organisée à Schladming, le chancelier autrichien Sebastian Kurz s’est exprimé en ces termes : « Nous voulons mettre l’accent sur le thème de la « sécurité » en Europe. Nous voulons créer une Europe qui protège sa population. Nous voulons avoir une Europe qui protège aussi le niveau de vie que nous avons atteint jusque-là ». Quel peut-être le risque de voir un eurosceptique à la présidence de l’UE ?

 

Cyrille BRET :  les institutions européennes sont suffisamment robustes pour faire face à l’euroscepticisme durant les présidences tournantes du Conseil de l’UE. Le Conseil ne décide pas seul: il partage ses prérogatives législatives avec le Parlement et avec la Commissions qui sont garants d’une certaine continuité de la construction européenne. Quant à l’euroscepticisme du gouvernement autrichien, il convient d’être nuancé : l’Autriche gouvernée par la coalition ÖVP-FPÖ et menée par Sebastian Kurz est hostile à certaines des politiques de l’UE. Elle est en particulier hostile à l’accueil de migrants, comme les Etats du Groupe de Visegrad V4 (Tchéquie, Slovaquie, Pologne, Hongrie) et comme le ministre de lintérieur allemand. Ce sur quoi l’Autriche est vigilante est le caractère volontaire de l’accueil des migrants. On l’a vu lors du dernier sommet européen, les Etats d’Europe de l’est, l’Italie et la Grèce ne veulent plus se faire imposer des populations migrantes sur leurs territoires. L’Autriche sera leur avocat. En revanche, l’Autriche est profondément europhile d’un point de vue économique : largement ouverte, son économie dépend de la liberté de circulation des biens, des fonds et des personnes. De ce point de vue l’Autriche n’est pas eurosceptique. 

Atlantico :  la présidence autrichienne sera centrée sur la question migratoire. Concrètement, quelle influence le pays peut-il avoir sur ce sujet ? Si Sebastian Kurz entend incarner le mécontentement de certains Etats européens sur la question migratoire, que peut-il se passer ?

Cyrille BRET : la présidence Kurz aura pour priorité de structurer une coalition des petits pays hostiles aux politiques migratoires considérées comme imposées par la France et l’Allemagne au reste de l’Union. L’Autriche de Kurz se fera le porte-parole des pays du V4 mais également de la Grèce et de l’Italie. A cet égard, l’Autriche fera en sorte que le souverainisme en matière migratoire ne soit plus l’apanage des Etats du Grand Elargissement de 2004. L’impact sera nécessairement limité car la présidence tournante ne dure que 6 mois. Toutefois, l’Autriche dispose au sein de l’UE du prestige nécessaire pour changer la tonalité des travaux du Conseil de l’UE sur le long terme.

 
Atlantico : l’Autriche plaide pour une plus grande intégration de ses voisins des Balkans dans l’UE. Le sujet divise. Peut-on voir en 6 mois de réels changements de ce côté-là ?

Cyrille BRET : l’Autriche a un lien historique solide avec les Balkans. Ancienne puissance impériale en Croatie, en Slovénie ou encore en Bosnie, l’Autriche, revenue à ses frontières postérieure aux Guerres Mondiale se considère comme le porte-parole de l’ancienne Yougoslavie au sein de l’Union européenne. Elle y a également un intérêt économique direct : ses grandes institutions bancaires, ses industries et ses réseaux diplomatiques y sont particulièrement présent. De même, Vienne et sa région accueillent de très nombreux ressortissants des Balkans depuis la Guerre de Yougoslavie. Elle a par exemple soutenu la candidature de la Croatie et de la Slovénie à l’entrée dans l’Union européenne lors du Grand Elargissement de 2004. Depuis, l’Autriche soutient activement les processus de candidatures de plusieurs Etats candidats. Ainsi, la Serbie a déposé sa candidature en 2009 et l’Union européenne lui a accordé le statut de candidat officiel en 2012, après la conclusion d’un accord entre Belgrade et Pristina pour remédier à la situation du Kosovo. Toutefois, comme vous l’indiquez, 6 mois est bien court pour faire avancer des processus très longs.   Il en va de même avec les candidatures de la Macédoine du Nord, du Monténégro et de l’Albanie. Vienne pourra donner une nouvelle impulsion aux politiques balkaniques de l’UE mais elle ne pourra mener ces candidatures à bien dans un délai aussi court.