Le gouvernement espagnol fait désormais appel à l’Union Européenne. Que peut faire l’UE pour réguler la situation en Espagne ? La prise de position espagnole menace-t-elle la stabilité de l’Union Européenne, en d’autres termes s’attend-on à de nouvelles polémiques sur la question migratoire ?
Effectivement, pour l’actuel gouvernement espagnol, les migrants sont un problème européen, ce qui appelle à une réponse européenne. L’expérience de ses élites politiques explique en partie ce prisme : tout comme son Ministre des affaires étrangères qui a eu des fonctions européennes, Pedro Sanchez a également été assistant parlementaire au Parlement européen. Et pour les Espagnols, la fin de la dictature s’est accompagnée de l’intégration européenne, l’attente d’Europe y existe donc toujours, consolidant un cadre national en proie aux fortes identités régionales. L’Espagne souhaite suivre le plan européen, qui reposait sur une conception qui était celle du partage du fardeau.
La position européenne de l’Espagne ne changera pas l’orientation d’autres pays européens, dont les opinions publiques sont très rétives à l’accueil de migrants. Cette position illustrera peut-être davantage la diversité des positions que l’on trouve actuellement en Europe, mais l’Europe n’avait pas trouvé de stabilité sur ce point – on ne peut donc affirmer que l’Espagne déstabilise la position de l’UE. Les polémiques migratoires ne sont en effet pas terminées.

Face à la Hongrie, l’Autriche ou la Pologne qui ont des positions très fermes sur la question de l’immigration, l’Espagne cherche-t-elle à se montrer comme un modèle alternatif ? Est-ce un acte politique ?
Oui, l’Espagne, avec l’affaire de l’Aquarius et son positionnement politique, joue clairement à contre-courant des trois Etats précédemment mentionnés et, dans une moindre mesure, de l’Italie depuis la formation du gouvernement hétéroclite incluant des formations de droite et du mouvement 5 étoiles. Le Premier ministre hongrois Viktor Orban a clairement dit qu’il ne souhaitait pas « une Union européenne dirigée par la France » avec l’argent de l’Allemagne, les sujets de différends avec la Pologne sont multiples, tandis que la jeunesse du chancelier autrichien Sebastian Kurz ne suffit pas à rapprocher les vues avec le Président français. En accueillant Emmanuel Macron à Madrid, son premier déplacement au-delà des Pyrénées depuis son élection, le gouvernement socialiste de Pedro Sanchez a voulu rehausser son prestige international.
Dans cette démarche, il y a donc clairement une visée politique européenne, mais aussi à dimension nationale, à un moment où le Parti populaire espagnol se dote avec Pablo Casado d’un leader affirmant son souhait d’effectuer un virage à droite. Le gouvernement espagnol joue donc, assez courageusement, la carte européenne contre le parti de la peur. Accessoirement, cela permet de renvoyer la faute sur l’ancien gouvernement qui n’avait pas anticipé une telle situation.
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