Atlantico : Suite au discours d’Angela Merkel tenu dans le cadre de la conférence de Munich sur la sécurité, certaines réactions, notamment celle de Ulrich Speck (GMF Berlin) ont pu lui reprocher une vision dépassée de la situation actuelle. Alors que la Chancelière continue de défendre – tout en critiquant la présidence de Donald Trump – une vision d’un monde sous leadership américain, la réalité imposerait une vision nouvelle acceptant l’idée d’une compétition entre nations, incluant la Chine et la Russie. La vision défendue par Angela Merkel est-elle effectivement rattrapée par une nouvelle réalité ?
Florent Parmentier : Le discours d’Angela Merkel à cette occasion retrace les grandes lignes de sa vision en matière de politique étrangère : il y a au fond cette idée selon laquelle les grands acteurs de ce monde sont des acteurs rationnels à même de comprendre que leur intérêt profond réside dans une coopération. En somme, les intérêts dominent les passions. Cela est naturellement valable pour l’incontournable relation avec les États-Unis, mais cela n’exclut pas d’autres partenaires difficiles comme la Russie. En un mot, il n’y a pas, dans le monde d’Angela Merkel, d’alternative au leadership américain, et pas non plus de méthode à même de remplacer la coopération internationale. Angela Merkel reste au fond profondément marquée par les années 1990 : la mondialisation, la coopération, l’extension de la démocratie libérale sous le leadership américain sont les clés d’explication du monde. Même si la chancelière Merkel a su se faire applaudir en critiquant Donald Trump, elle ne parvient pas à s’échapper de sa vision du monde des années 1990. A sa décharge, elle n’est pas la seule en Europe, puisque de nombreux leaders n’imagine pas non plus autre chose que ce monde-là. Seul Emmanuel Macron ose évoquer, en novembre dernier, la création d’une Armée européenne pouvant se dresser contre les menaces chinoises, russes, ou même américaines.
Pour autant, il est tout aussi évident que les désaccords sont aujourd’hui nombreux entre les Allemands, et plus largement les Européens d’une part, et les Américains d’autre part : la Syrie, l’Iran, le commerce international sont autant de sujets particulièrement compliqués. L’ancien Ministre des Affaires étrangères chinois Yang Jiechi a profité de la conférence pour dire que les Européens méritaient “plus de respect de leurs alliés traditionnels. Et moins de leçons”. Sergueï Lavrov, également venu pour la conférence de sécurité, a également pu tenir des propos similaires. La prise de conscience ne sera que plus tardive, quand les Etats-Unis menaceront réellement de mettre fin à l’OTAN, ou que cette dernière ne sera réduite qu’à être un marché d’armement pour entreprises américaines. Nous n’en sommes pas encore là, mais l’hypothèse n’est désormais plus incongrue. Et il convient de penser à des alternatives dans de pareilles situations.
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