La crise constitutionnelle moldave – le point au 12 juin (PARMENTIER pour Eurasia Prospective)

L’équipe de France de football s’était rendue en Moldavie le 22 mars dernier, à Chisinau. La vie politique moldave se trouvait alors dans une longue période post-électorale, aucune majorité ne semblant se dégager. L’espace d’un week-end, la politique moldave nous a rappelé qu’il y a des mois qui semblent passer bien lentement et des jours où le temps s’accélère.

Que s’est-il passé ? Alors que de nouvelles élections semblaient inévitables, faute d’accord entre les trois grands partis (Parti socialiste, Parti Démocrate et Bloc ACUM), une alliance de revers s’est constituée entre le Parti socialiste (PSRM, catalogué « pro-russe », de gauche) et le bloc ACUM (centre-droit, catalogué « réformiste pro-européen), avec une Première Ministre du nom de Maia Sandu (ancienne candidate malheureuse à la présidentielle) et une Présidente du Parlement du nom de Zinaida Greceanii (ancienne Première Ministre). Un certain nombre de Ministres techniques ont été mis en place, comme le Ministre des Affaires étrangères – Nicu Popescu, chercheur reconnu en Europe passé par des grands think-tanks (Institut d’études de Sécurité, ECFR…) et enseignant à Sciences Po.

On retrouve, d’un côté, le Président Dodon et une majorité absolue du Parlement élu en février dernier, et de l’autre, un gouvernement sortant et la Cour constitutionnelle. Seuls les premiers peuvent se prévaloir du soutien d’une majorité de la population. Le gouvernement sortant dispose de 30 députés sur les 101 parlementaires. Cependant, soutenus par l’oligarque Vlad Plahotniuc, ils redoutent la perte de leur position actuelle, et s’appuient sur un appareil d’Etat sous leur influence : c’est ainsi que la Cour constitutionnelle a pris partie pour l’organisation d’élections en septembre. La « désoligarchisation » est donc l’objectif central de l’alliance PSRM – ACUM, la Moldavie étant parfois considérée comme un « Etat capturé ».

Paradoxalement, cette alliance inattendue est soutenue à la fois par les Russes et les Européens : divisés sur l’Ukraine, mais plutôt unis sur la Moldavie. La France, l’Allemagne, le Royaume-Uni, la Pologne et la Suède ont apporté leur soutien au Parlement, lieu de légitimité politique, et appelé au calme et au sang froid de chaque côté. La Roumanie a pris une position favorable au gouvernement sortant. Le Conseil de l’Europe en appelle à la Commission de Venise afin de régler le différend juridique, tout en paraissant favorable au Parlement. Quant au Président ukrainien, suivra-t-il les Européens et les Russes dans leur soutien au Parlement ? Le positionnement de Zelenski pourrait se démarquer ici de Petro Porochenko, plutôt proche du gouvernement moldave sortant.

Florent Parmentier avait publié sur la transition démocratique Les chemins de l’Etat de droit. La voie étroite des pays entre Europe et Russie (2014).

Par ailleurs, Josette Durrieu et Florent Parmentier sortent ce mois-ci un ouvrage intitulé La Moldavie à la croisée des mondes (Paris, Non Lieu, 2019).