Emmanuel Macron ainsi qu’un certain nombre de gouvernants européens se sont retrouvés à Sibiu (photo), en Roumanie, le 9 mai dernier, à l’occasion d’un sommet informel de l’UE. Au programme : une réflexion sur la stratégie à venir pour l’UE dans les cinq prochaines années. Quels seront selon vous les grands enjeux auxquels va devoir être confrontée l’Union Européenne dans ces 5 prochaines années ?
Dans le cadre de la présidence roumaine de l’Union européenne, les dirigeants européens se retrouvent à Sibiu, en Transylvanie, grande ville d’histoire (capitale européenne de la culture en 2007) fondée par des colons Allemands au 12ème siècle. Le maître de cérémonie, le Président roumain Klaus Iohannis, en a été le maire entre 2000 et 2014.
Il est utile que les dirigeants européens se réunissent pour imprimer un cap à la construction européenne à la veille des élections du 26 mai prochain. Les élections sont lourdes d’incertitudes : le Parlement reflétera les différentes tendances européennes, aussi bien politiques que celles des différents États membres. Il sera probablement moins visible que ses prédécesseurs qui étaient articulés autour des deux grands partis, le Parti populaire européen et le Parti socialiste européen. Leur affaiblissement ouvre de l’espace pour de nouveaux regroupements qui tenteront de faire prévaloir leurs idées.
Aussi, à quoi correspond cette échéance de cinq ans ? Il faut tout d’abord observer qu’il s’agit plus de moyen terme que véritablement de long terme. Pourtant, autour des institutions européennes, se situent plus d’un groupe de réflexion à visée prospective.
Ainsi, au sein du la Commission européenne, son unité de recherche, le Policy Lab, vient par exemple de publier un rapport sur le futur du gouvernement à horizon 2030 (The Future of Government 2030+) en proposant quatre types de gouvernement d’avenir : la démocratie autogérée, l’algocratie privée, le gouvernement super-collaboratif où la sur régulation. En s’appuyant sur l’engagement citoyen, le design et la prospective, le rapport pose la question de notre rapport au gouvernement, question cruciale à l’heure des réseaux sociaux et de la difficulté de trouver des récits communs, particulièrement au niveau européen.
Le Parlement européen, à travers son service de recherche (European Parliamentary Research Service) a publié en novembre 2018 son rapport sur les tendances mondiales à horizon 2035 (Global Trends to 2035), échéance similaire à celle de la CIA qui publie régulièrement ses travaux de prospective. Là aussi, le rapport propose un certain nombre de pistes – sur les inégalités, le changement climatique ou les technologies.
La Fondation Carnegie et l’Open society viennent également de publier un rapport sur ce que doit faire l’Europe en 2030 (Refocus the European Union : Planet, Lifetime, Technology, dir. Heather Grabbe et Tomas Valasek), qui propose de la réorienter selon trois grands défis: la planète, la technologie et les changements au cours de la vie (protection sociale / formation dans un monde où les changements sur le marché du travail seront plus fréquents).
Enfin, vient de sortir en avril 2019 un rapport (Global Trends to 2030 : Challenges and Choices for Europe) sur les défis et les choix pour l’Europe à horizon 2030 de la part du European Strategy and Policy Analysis System, selon lequel la prochaine décennie définira le futur de l’Europe et son rôle dans le monde.
En dehors de ces propositions existent par ailleurs de nombreuses institutions s’intéressant à ces enjeux avec diverses méthodologies. Les perspectives sont donc multiples !
Dès lors, on peut se demander quel est l’intérêt véritable de se donner pour horizon de réflexion la fin de la prochaine mandature. Tout au plus, on pressent que les décisions qui seront prises s’inscriront dans ce qui existe aujourd’hui. On peut comparer la situation des dirigeants européens avec celle de la Chine qui elle se projette déjà sur 2049, et le centenaire de la prise du pouvoir par le Parti communiste de Mao Zedong. Qu’attendent les Européens pour se demander là où ils en seront en 2052 pour le centenaire de la CECA ?
Les dirigeants européens auraient pu orienter leur réflexion à 15 ans et inventer un chemin pour les 5 prochaines années autour des objectifs prioritaires – des enjeux sociaux, environnementaux et technologiques. L’enjeu n’est pas tant de prévoir le futur, mais d’ouvrir de nouvelles possibilités. Encore faut-il sortir des sentiers battus, et inscrire la réflexion prospective non pas de manière épisodique, mais régulière ! C’est l’une des conditions de la réappropriation démocratique. Il n’est point de vent favorable à celui qui ne sait où il va, disaient les anciens…