Atlantico : 20 ans après la fin de la guerre, peut-on considérer que l’Occident et l’Union européenne ont échoué dans leur mission visant à gérer l’après-guerre ?
Florent Parmentier : La visite d’Emmanuel Macron en Serbie fait suite à une série de déceptions, dont le Président n’est pas le seul responsable mais qu’il convient de prendre en compte. Ainsi, la France a été un allié historique de la Serbie au cours de la Première Guerre mondiale, ce qui rend d’autant moins acceptable l’erreur diplomatique qu’a constitué le fait d’avoir placé la Serbie sur la tribune secondaire lors des cérémonies de novembre dernier, au contraire du Kosovo, étant placé en tribune d’honneur mais qui n’avait aucune existence en 1918 ! La France a également accueilli de nombreux étudiants serbes depuis le XIXe siècle, et l’on estime que de 70 000 à 100 000 Français ont des origines serbes.
Néanmoins, les relations sont nettement plus froides aujourd’hui, en raison tant de la tiédeur de la diplomatie française au sujet de tout nouvel élargissement de l’Union européenne que de la position française sur le Kosovo. C’est tout l’enjeu de cette visite, qui intervient 20 ans après l’intervention de la coalition internationale au Kosovo, mais aussi 30 ans après que Milosevic ne souffle sur les braises du nationalisme, lors de son discours du 28 juin 1989 au Kosovo. Si la France a reconnu l’indépendance du Kosovo, à Belgrade, on lui reproche volontiers la faible attention qu’elle a porté aux minorités serbes et roms, qui ont dû quitter la région pour survivre.
L’antagonisation (du fait des procès nombreux qui ont suivi la guerre) des Serbes n’a-t-elle pas limité la reconstruction des relations dans les Balkans ? N’est-il pas nécessaire de s’appuyer sur cette puissance régionale historique si on souhaite pacifier ?
Les Européens doivent en effet prendre garde au dilemme suivant : ils ne peuvent oublier les conflits des années 1990 sans se renier, mais ils ne peuvent pas non plus se comporter comme s’ils étaient les seuls à décider ce que devrait être la politique locale.
La reconnaissance de la Macédoine du Nord par la Grèce constitue le plus récent succès européen, et il faut s’en réjouir. Il convient toutefois de ne pas oublier que la situation du Kosovo est encore loin d’être stabilisée : l’ensemble des Etats-membres ne reconnaît pas l’indépendance du Kosovo, connaissant eux-mêmes des problèmes de séparatisme. Quel intérêt aurait en effet l’Espagne de reconnaître l’indépendance du Kosovo à l’heure où la question catalane polarise son attention ?
Les Européens ont pensé que la promesse de l’élargissement, offerte au Sommet de Thessalonique (2003), suffirait à stabiliser la région.
Ils ne sont pourtant pas les seuls à avoir de l’influence : le Kosovo soutient très largement l’OTAN plus que l’UE, la Russie bénéficie d’un capital de prestige fort à Belgrade. Il suffit de se souvenir de la visite triomphale de Vladimir Poutine dans la capitale serbe en janvier 2019 (plus de 100 000 personnes pour l’accueillir), où il a plaidé pour la stabilisation des Balkans, mise à mal selon lui par l’action des Européens. Quant à la Chine, elle offre une place de choix à la Serbie dans le cadre des routes de la Soie : prêts à faibles taux d’intérêt et sans conditionnalité, achats d’actifs industriels (usine sidérurgique de Smederevo, la plus grande du pays, investissements dans la plus grande mine de cuivre du pays…).
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