L’OTAN célèbre ses 70 ans au sommet Londres. Les 29 alliés y scrutent son état de santé. Diagnostiquée en état de « mort cérébrale » par Emmanuel Macron, l’Alliance dans une situation paradoxale : elle est l’assurance-vie des pays d’Europe orientale contre la puissance russe. Mais elle est aussi menacée par les critiques internes. L’OTAN est-elle semblable aux « morts-vivants » des séries B : en agonie prolongée mais en résurrection perpétuelle ?
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Survivre à son ennemi
L’OTAN est une survivante. Elle a surmonté des épreuves qui auraient été fatales à d’autres institutions. Crée en 1949 par les Occidentaux pour contrer le communisme, elle a survécu à la fin de l’URSS et du Pacte de Varsovie. Privée de sa raison d’être historique, l’Alliance s’est réinventée immédiatement. A une époque où Fukuyama prophétisait la fin des gigantomachies idéologiques et stratégiques, elle s’est investie dans des Opérations de Maintien de la Paix, en Bosnie en 1995 et au Kosovo en 1999. Quelle adaptabilité !La plus puissante des coalitions militaires s’est faite gendarme balkanique.
Surmonter la crise de la cinquantaine
La décennie 2000 a été celle de l’expansion vers l’est. Alors même que sa crise de vocation se prolongeait, l’OTAN a constitué la « Terre Promise » stratégique pour les anciennes démocraties populaires : la Pologne, la Tchéquie et la Hongrie la rejoignent en 1999 ; la Roumanie, la Bulgarie et la Slovaquie sont intégrées en 2004. Convalescente suractive, l’OTAN s’est même étendue à des pays ayant fait partie de l’URSS : les Etats baltes sont admis en 2004. Et elle a trouvé de nouvelles missions loin de l’Atlantique Nord, en 2003 en Afghanistan pour soutenir les Etats-Unis alors en Guerre Mondiale contre le Terrorisme. Ou encore contre la piraterie au large de la Somalie.
Une cure de jouvence
Le 18 mars 2014, l’annexion de la Crimée par la Fédération de Russie a déclenché une nouvelle résurrection de l’Alliance. La renaissance de la puissance militaire russe lui a rendu une vocation sous le signe d’une « Nouvelle Guerre Froide ». La Russie ne modernise-t-elle pas ses forces armées depuis 2009 ; n’a-t-elle pas porté son effort de défense à près de 4% de son PIB ; ne mène-t-elle pas des opérations dans le Caucase, dans la Baltique, en Mer Noire et dans le Donbass ? Enfin, depuis septembre 2015, n’est-elle pas redevenue une puissance militaire capable de se projeter en Syrie, au Moyen-Orient et en Méditerranée orientale ?
Une espérance de vie en question
Entre renaissance régulière et déclin annoncé, l’OTAN est aujourd’hui minée par des dissensions internes. La Turquie mène une stratégie dissidente qui la porte aux marges de l’OTAN. Pilier de l’Alliance au cœur du Moyen-Orient depuis 1952, la Turquie prend ses distances, s’allie avec la Russie et l’Iran et se procure des défenses anti-aériennes S-400 russes. Quant au président Trump, il fait planer le spectre d’un retrait américain de l’OTAN. Comme bien des présidents américains, il vilipende le coût et l’obsolescence stratégiques de l’Alliance, affolant par ses twitts les gouvernements d’Europe orientale. Le Brexit et le projet macronien d’armée européenne ajoutent aux préoccupations sur l’état de santé de l’OTAN.
A Londres, les 29 Etats alliés de l’OTAN seront au chevet d’une organisation en apparence moribonde et en réalité capable de surmonter les crises existentielles en série. L’appétit de l’Ukraine et de la Géorgie pour une adhésion témoigne de sa vivacité. Comme les zombies les plus coriaces, elle n’a pas renoncé à (sur)vivre.