Eurasia Prospective : David GRUSON, vous signez avec SARRA une conscience artificielle un deuxième roman, après le succès de SARRA une intelligence artificielle. Dans les deux tomes, la gestion de la crise épidémique apparaît sur le territoire européen, ce qui était loin d’être une évidence au moment de la parution du premier tome. Qu’est-ce qui vous a motivé pour ce second ouvrage qui se positionne déjà en tête des classements des ventes ?
Cette suite n’était pas forcément prévue au départ. Des développements inattendus étaient intervenus après la sortie du premier tome et, en particulier, la reprise de la notion d’une Garantie Humaine de l’IA – qui figurait dans le premier livre – dans le cadre de la révision de la loi de bioéthique suite au travail que nous avions aussi mené dans le cadre de l’initiative Ethik-IA. L’anticipation et la fiction avaient connu une première transcription dans le réel. Après cette étape, j’ai essayé de me poser un peu – c’était au cours des vacances de Noël 2018-2019 – pour voir quel pouvait être l’intérêt d’un retour vers la fiction. Et, à vrai dire, beaucoup de lecteurs du premier tome étaient revenus vers moi pour me faire comprendre que, selon eux, le personnage de SARRA ne leur avait pas encore tout dit. Et j’ai essayé d’ouvrir de nouvelles perspectives, en particulier en allant beaucoup plus loin dans la dystopie et en élargissant la perspective sur un plan européen et international. Evidemment, quand, il y a plus de six mois, nous avions ciblé avec l’éditrice la fin mars 2020 pour la publication du tome 2, nous ne pouvions pas savoir que nous serions effectivement plongés au cœur d’une pandémie.
Dans ce nouvel opus, le concept de « réfugiés pandémiques » apparaît, notamment européens, testant la solidarité entre Etats-membres. A quoi ressemblerait votre « Europe de la santé » idéale ?
La crise du COVID19 montre que nous en sommes encore loin. Certes, il y a une solidarité européenne qui s’exprime aussi sur le terrain dans la gestion de cette crise. Mails il y a surtout une désarticulation des stratégies nationales et la tentation d’un « cavalier seul » dont on voit bien qu’il peut avoir des conséquences très péjoratives pour l’Europe dans son ensemble. On voit bien qu’il y a un enjeu essentiel pour notre avenir de pouvoir s’ouvrir aux solutions technologiques d’appui à la gestion de crise – détection des foyers épidémiques, reconnaissance automatique des clichés pulmonaires, mobilisation de vecteurs robotiques dans l’appui au respect des mesures de confinement… – tout en préservant notre cadre de valeurs européennes. L’Europe de la Santé doit pouvoir préserver ses fondamentaux – et en particulier la protection des données personnelles et la défense d’une approche personnalisée de la médecine – tout en étant efficace face aux crises. Si nous ne développons pas rapidement une initiative européenne puissante de soutien à l’innovation, nous risquons de basculer très vite dans le Monde de SARRA où nous sommes dépendants technologiquement des géants américain (PanGoLink) et chinois (FU-TECH). Cette défaite de l’Europe dans la régulation positive de l’IA en santé n’est pas encore sûre.
Votre ouvrage trouve aujourd’hui un écho terrible dans l’actualité avec le COVID19. On sait que la start-up canadienne BlueDot a repéré la pandémie du coronavirus dix jours avant l’OMS. La réalité est-elle donc en train de rejoindre la fiction, avec une IA qui est déjà plus efficace que l’Homme dans la détection des maladies ?
Sur de nombreux plans, le Réel a, en fait, déjà dépassé la Fiction. Dès 2019, nous avons assisté à la première production automatisée de vaccin par IA, ce qui était le thème du tome 1. Et un certain nombre de réponses apportées en Asie dans la réponse au COVID19, notamment s’agissant du Data Tracking, montre que le risque majeur d’une dérive collectiviste au détriment de l’intérêt de la Personne est susceptible de se matérialiser rapidement en temps de crise. S.A.R.R.A. est, d’abord, un ouvrage de fiction et je crois que s’il suscite autant d’échos c’est précisément parce qu’il ne cherche pas à faire de leçons de morale. Il nous donne à voir tels que nous sommes en temps de crise. Avec notre héroïsme mais aussi avec notre côté sombre. Le thème central du tome 2 c’est celui d’une Humanité qui sent venir le risque de sa disparition, prise en étau entre la Machine et le Virus. Nous ne pouvons pas nous exonérer de ce contexte. C’est pourquoi, avec la maison d’édition Beta Publisher, nous avons décidé de reverser 50% des revenus du livre pendant la crise sanitaire à la Fondation Médecins Sans Frontières qui précisément travaille au développement d’outils d’IA éthiques pour répondre aux risques épidémiques.