Se battre jusqu’à récupérer la Crimée ? Les dessous du grand test lancé par Zelensky (PARMENTIER – Atlantico)

« La guerre en Ukraine a commencé avec la Crimée et doit se terminer avec sa libération » a déclaré le président Zelensky. « La Crimée est ukrainienne et nous n’y renoncerons jamais » a-t-il ajouté. Comment interpréter ces paroles ? Quel peut être l’intérêt de ce genre de déclarations ?

Florent Parmentier : Le président Zelensky a raison de rappeler que la Crimée faisait pleinement partie de l’Ukraine en 1991, même si son statut a toujours été particulier du fait qu’elle accueillait la Flotte de la mer Noire de la Russie. C’est en ce sens qu’il rappelle le fait qu’un gouvernement ukrainien ne peut y renoncer. De son côté, la Russie a organisé un référendum en 2014 pour incorporer la Crimée comme un territoire russe, ce qu’elle n’a pas fait avec le Donbass. Contrairement à d’autres territoires ukrainiens, l’incorporation avait des adversaires (notamment chez les minorités tatares et ukrainiennes), mais aussi de nombreux partisans.

Dans quelle mesure l’Europe soutiendrait-elle une action visant à reprendre la Crimée à la Russie ? Serait-ce déraisonnable ?

Florent Parmentier : Le soutien de l’Europe a été jusqu’à présent l’une des principales forces des dirigeants ukrainiens. Le temps du consensus résistera-t-il aux prochaines législatives italiennes ? Comment réagiront les gouvernements démocratiques face aux difficultés économiques de l’automne, dont nous n’avons pas connu le paroxysme ? Nous avons aujourd’hui une différence d’approche entre ce qu’un rapport du groupe de réflexion ECFR avait appelé le « camp de la justice », qui souhaite faire payer la Russie et soutenir l’Ukraine dans toute action offensive, et le « camp de la paix » qui estime qu’il est temps d’en finir avec le conflit dès qu’une occasion acceptable se présentera aux différents protagonistes. Pour l’heure, ces deux tendances coexistent, et le rapport de force entre ces deux camps varient d’un pays et d’un courant de l’opinion à l’autre. Nous ne connaissons pas encore l’état de l’opinion au moment d’une éventuelle offensive de la Crimée.

Toutefois, il faut observer que l’Ukraine a varié dans ses buts de guerre, et que la Crimée constitue ainsi un baromètre des ambitions ukrainiennes : s’agit-il de revenir seulement aux frontières du 24 février 2022 ? Ou revenir jusqu’aux frontières de 1991 est-il encore envisageable ? On peut interpréter les déclarations du président ukrainien de deux manières : soit il faut le suivre, ce qui veut dire qu’il se sent suffisamment fort pour reprendre des territoires militairement ; soit il s’agit d’un moyen de continuer de mobiliser, tant à l’intérieur qu’à l’extérieur, les soutiens de l’Ukraine. Ainsi, il pourra faire taire les critiques qui le considèrent trop mou contre la Russie.

L’intégralité de l’entretien, ainsi que ceux du général Jérôme Pellistrandi, peuvent être lus ici.