« Volodymyr Zelensky est un brillant chef de guerre, mais je ne crois pas qu’il restera Président de la paix » (PARMENTIER – La Libre Belgique)

L’élection présidentielle qui aurait normalement dû avoir lieu ce 31 mars a été ajournée sine die. Le chef d’État ukrainien a retrouvé un semblant de popularité en tant que chef de guerre. Quel bilan tirer de son premier mandat, désormais allongé ?

Aux yeux du monde, le président ukrainien Volodymyr Zelensky incarne la dignité et la résistance héroïque de son pays. T-shirt kaki près du corps, pantalon militaire, arme discrètement nichée à la ceinture… Le conflit déclenché par la Russie en février 2022 lui a apporté l’aura d’un chef de guerre. On se souvient de ses mots alors que les Américains lui proposent de l’exfiltrer de Kiev à l’approche des Russes :  » Le combat est ici. J’ai besoin de munitions, pas d’un chauffeur « . S’évapore doucement l’époque de « Serviteur du peuple », cette série télévisée humoristique dans laquelle l’ancien comédien interprétait Vasyl Goloborodko, un professeur d’histoire élu subitement… président de l’Ukraine pour y éradiquer la corruption.

Élu avec 73 % des voix au second tour de la présidentielle de 2019, le dirigeant avait promis de se limiter à un seul mandat. Le conflit avec la Russie en a décidé autrement. Les élections législatives et présidentielles, prévues respectivement en octobre dernier et ce dimanche, sont reportées à une date indéfinie.

Alors que sa popularité était en perte de vitesse la veille de l’invasion russe, Volodymyr Zelensky semble mieux s’en tirer aujourd’hui en sa qualité de chef de guerre qu’en tant que président.

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Prestige immuable de l’armée

 » Il y a eu deux Zelensky en guerre « , raconte Florent Parmentier, secrétaire général du Centre de recherches politiques de Sciences Po.  » Le premier a essayé d’arrêter la machine malgré tout. Quelques jours après le début de l’invasion, il a pressé les Russes de faire la paix avec lui, prévenant que les dirigeants qui viendront après lui seront moins désireux de faire des compromis. Et puis, fin mars 2022, c’est devenu le président qui a interdit de parler de négociation avec la Russie.  » Alors qu’une médiation cherchait à trouver un résultat acceptable pour les deux belligérants, Volodymyr Zelensky a en effet stoppé ce processus.  » C’est un moment où il aurait pu réaliser ce pour quoi il avait été élu en 2019, mais il a été mal conseillé, notamment par Boris Johnson. Ça a été une tragique erreur qui a sacrifié plusieurs milliers de vies « , juge notre interlocuteur.

Le président est pourtant encore soutenu par les Ukrainiens.  » Aujourd’hui, les enquêtes d’opinion lui octroient 60 % de soutien de l’opinion publique. Mais il a perdu une vingtaine de points depuis le début du conflit. C’est beaucoup, d’autant que l’armée, elle, n’a pas vu son prestige s’affaiblir. « 

D’après Florent Parmentier, c’est Valeri Zaloujny, l’ancien commandant en chef des forces armées, qui est probablement l’homme le plus populaire d’Ukraine.  » C’est la raison pour laquelle il a été envoyé en tant qu’ambassadeur au Royaume-Uni après son écartement.  » Les dissensions entre les deux hommes sont notoires et font l’objet d’intenses spéculations. Tout part de cette question  » qui fait beaucoup de mal  » : qui doit-on blâmer pour l’échec de la contre-offensive ukrainienne ? Les partenaires internationaux, les politiques, l’armée ? Aucune réponse ne convient si le pays veut préserver sa cohésion et ses relations extérieures.

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Le paysage politique de l’Ukraine est en pleine transformation.  » Une nouvelle réalité se mettra en place quand l’élection présidentielle sera possible, c’est-à-dire quand le conflit sera terminé , analyse Florent Parmentier. La classe politique qui émergera de la guerre sera radicalement différente de celle qu’on a pu connaître avant 2014, tant au niveau de l’identité que de la démographie. « 

Chaque époque mérite son dirigeant. Le charisme naturel du président ukrainien ne conviendra peut-être pas à une société apaisée.  » Le carrosse redeviendra citrouille », prédit dans PoliticoAdrian Karatnycky, analyste au think thank américain Atlantic Council.  » Dans la dynamique politique d’un conflit, il y a toujours un moment où on passe de la question ‘Qui est responsable de ce problème ?’ à ‘Qui est le mieux placé pour nous en sortir ?’ « , complète Florent Parmentier. À l’image de Winston Churchill,  » Volodymyr Zelensky est un brillant chef de guerre, mais je ne crois pas qu’il restera ensuite Président de la paix, même si c’est difficile de le reconnaître. « 

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