Retour sur le cessez-le-feu russo-turc sur la Syrie (LAGANE pour Atlantico)

L’accord pour un cessez-le-feu en Syrie conclu par la Russie et la Turquie est entré en vigueur depuis le 28 décembre à minuit. Sur ce sujet, l’Occident n’a pas eu son mot à dire. Guillaume LAGANE répond à Atlantico.

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Atlantico : La Turquie et la Russie viennent de s’entendre sur un cessez-le-feu en Syrie, en vigueur depuis le 28 décembre à minuit. Ni l’Occident, ni les États-Unis n’ont pris part à la négociation, signe du recul indéniable de l’influence américaine et occidentale dans le monde. En outre, plusieurs observateurs soulignent le rôle de Barack Obama dans ce déclin en matière de leadership. Comment expliquer un tel recul ? De quoi peut-on effectivement blâmer Barack Obama en la matière ?

Guillaume Lagane :  En premier lieu, il m’apparaît important de préciser toute la dimension historique de cet accord pour un cessez-le-feu entre la Russie et la Turquie.

Il l’est à bien des égards, mais surtout parce qu’il illustre l’influence actuelle d’acteurs régionaux alors que, jusqu’à présent, les États-Unis tenaient une place primordiale au Moyen-Orient. À titre de comparaison, c’est un peu comme si la guerre en Afghanistan, dans les années 80, s’était terminée par un accord entre le Pakistan et l’URSS.

L’effacement des États-Unis est une constante du conflit syrien. Déjà en 2011, Barack Obama apparaît circonspect face aux printemps arabes qu’il n’avait absolument pas anticipés. Il a ensuite hésité à soutenir l’opposition syrienne, qu’il a toujours décrié. Par la suite, et malgré la ligne rouge qu’il avait lui-même fixé, il a refusé une intervention américaine directe en 2013 quand Bachar al-Assad a employé des armes chimiques contre ses opposants. Le recul de l’influence américaine n’est qu’une conséquence logique d’une telle politique.

C’est enfin, plus globalement, la traduction d’une politique étrangère marquée par trois piliers : l’isolationnisme, le réalisme et une certaine forme de gauchisme. L’isolationnisme se traduit par la volonté d’un retrait des États-Unis des affaires du monde. Le Barack Obama de 2008 n’est pas très éloigné de Jean-Luc Mélenchon : il pense en effet que les interventions américaines sont, globalement, négatives. Le réalisme illustre un pragmatisme et une froideur parfois reprochés à l’actuel locataire de la Maison Blanche : les États-Unis ne doivent intervenir et lorsque leurs intérêts profonds et vitaux sont engagés. Enfin, le « gauchisme » de la politique étrangère de Barack Obama, typique d’une fraction « libérale » du parti démocrate, se retrouve dans son sentiment à l’égard de l’impérialisme américain, qui serait selon lui responsable des grands maux du XXème siècle. Tout cela engendre naturellement une tendance au non-interventionnisme au Moyen-Orient et un « pivot » vers l’Asie, perçue comme la seule région d’intérêt pour Washington.