Dans cette campagne présidentielle comme dans la campagne des législatives de 2017, la vie politique tchèque reflète plusieurs tendances à l’œuvre dans l’évolution politique de la région, comme en atteste le soutien apporté par Milos Zeman au candidat FPÖ Norbert Hofer durant les présidentielles autrichiennes (cf. photo). La Mitteleuropa est-elle à la veille de constituer un « bloc souverainiste »?
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Alors même que les indicateurs sociaux et économiques sont favorables (croissance du PIB de +4,5% et taux de chômage de 3,5% en 2017), les partis traditionnels sociaux-démocrates et conservateurs sont contestés par de nouveaux entrants, ANO 2011 et Parti Pirate en tête. Comme en Autriche, la prospérité économique n’assure par la stabilité du système politique et la confiance dans les élites. En Europe centrale et orientale, la frontière du rideau de fer s’estompe, sur la sphère politique.
En outre, le clivage est fort entre l’électorat des campagnes, plus hostiles à une Europe perçue comme favorable à l’immigration musulmane, et l’électorat des villes, ouvertement libérale. C’est le cas assez largement en Autriche, mais aussi en Hongrie, ou respectivement Vienne et Budapest ont un vote qui détonne par rapport à celui des campagnes.
Enfin, l’islam est devenu un thème central du débat alors même que le pays est notoirement agnostique, à la différence de la Pologne : sur une base déclarative, année après année, les citoyens tchèques se déclarent à une écrasante majorité « indifférents en matière religieuse ». Et le rejet de l’islam se conjugue au rejet de Bruxelles. En Europe, la prospérité et l’indépendance retrouvée par les anciennes démocraties populaires ne suffisent pas : le décalage persistant entre les niveaux de vie de l’ouest et de l’est excite un ressentiment durable.
Les prérogatives du Président de la République tchèque sont juridiquement limitées. Mais, dans l’incertitude du report des voix, se livrera un combat idéologique dont la portée ne doit pas être sous-estimée. En effet, les deux présidents du pays, Vaclav Havel et Vaclav Klaus, en dépit de leur élection par le Parlement, avaient déjà fait entendre leurs voix respectives – discordantes – bien au-delà des frontières du pays. De plus, la présidence Zeman a « politisé » la fonction en s’ingérant dans le fonctionnement des gouvernements et des majorités parlementaires. Une nouvelle présidence Zeman conforterait assurément le gouvernement minoritaire Babis. Et donnerai un appui supplémentaire aux souverainistes dans la région notamment dans le cadre du groupe de Visegrad (V4).