Suite à la tribune consacrée à la Renaissance européenne d’Emmanuel Macron, et à la réponse de nouvelle tête de la CDU, Annegret Kramp-Karrenbauer, c’est au tour de Jean-Luc Mélenchon, après Laurent Wauquiez, de se prêter à l’exercice dans une tribune intitulée « Sortez des traités, stupides ». Au regard de ces initiatives françaises, comment peut-on évaluer la capacité des partis politiques français à produire une ligne politique permettant de transcender les logiques nationales, et ainsi éviter que la France ne se retrouve minoritaire dans la démocratie européenne ?
Les politiques français se piquent souvent d’avoir une vision propre et grandiose pour leur pays, mais également pour l’Europe. Pour autant, nos hommes politiques ne se trompent-ils pas en espérant voir l’Europe comme une France en plus grand ? En faisant cela, ils oublient souvent que la France a des racines mondiales, qui s’expriment à travers une vision universaliste qui lui est propre, une présence océanique sur quatre océans pour un domaine maritime comparable à celui des États-Unis, et, enfin, la France dispose avec la Francophonie d’un réservoir naturel d’influence au niveau mondial. Mais, c’est là le paradoxe, en oubliant cette dimension proprement française, ils ne sont pas à même, pour autant, de peser sur les débats européens. On ne retient de la France en Europe que ses résultats économiques relativement médiocres, avec des déficits importants. Le vrai défi consiste donc à articuler ces visions afin qu’une France forte permette d’accoucher d’une Europe plus forte, avec un moteur franco-allemand rééquilibré, mais non exclusif d’autres rapprochements au niveau européen. De même que l’Allemagne entretient les relations particulières avec les pays du Nord, la France a dans le fond plus intérêt à se rapprocher des Espagnols et des Italiens que de s’en éloigner.
Les partis politiques français paient leur faible l’investissement dans le Parlement européen : les hommes politiques expérimentés sont souvent placés là en récompense des services rendus plus que leurs compétences en matière européenne. Alors qu’il faut rester plusieurs mandats pour prendre des positions dans les commissions « qui comptent » (affaires intérieures, marché intérieur, etc.), les eurodéputés français ne font pas l’investissement nécessaire sur le long terme. La France partage avec l’Italie un faible intérêt politique pour ces élections, nuisible pour ses intérêts, d’autant que les députés RN ne bénéficient pas d’influence au Parlement européen. A titre de comparaison, les députés allemands ou britanniques se trouvent beaucoup plus à l’aise dans ce système.
Comment les partis politiques français pourraient-ils produire une ligne politique permettant d’aller au-delà des frontières ? Il faut observer que le Parlement européen a ses propres spécificités, puisque, à côté des logiques partisanes, se juxtaposent par moment des logiques purement nationales. Le débat français manque souvent d’ouverture sur ses partenaires européens : nous sommes beaucoup plus intéressés par les résultats d’une primaire dans l’Iowa que des résultats électoraux en Estonie, Etat-membre pourtant pionner en matière technologique dont les Français pourraient apprendre ! Il ne peut y avoir d’influence européenne que s’il existe une vision, des réflexes et un intérêt pour le développement de l’Europe.
Selon cette logique, la France est-elle dès lors contrainte à agir dans une logique intergouvernementale ? Quelles seraient les possibilités ouvertes pour la France pour parvenir à créer une ligne politique dépassant ses propres frontières ?
Il est vrai que les faibles capacités des partis politiques français au niveau européen constituent un handicap certain. A quoi peut-on les mesurer ? Très simplement, il suffit d’observer que les partis politiques français ne disposent pas de fondations politiques comparables aux principaux partis politiques allemands. Les partis politiques allemands ont su développer une influence conséquente en Europe centrale et orientale, là où les relais d’influence français n’ont pas produit les mêmes effets. Là où l’Allemagne a su intervenir dans les débats publics et faire jouer sa présence économique, la France a souvent cru que son poids politique lui permettrait d’échapper à une perte d’influence relative en Europe.
De ce point de vue, le système politique français produit Naturellement une pensée de nature intergouvernementale plutôt que parlementaire. Or, la logique de l’évolution des institutions européennes est de passer par une parlementarisation d’un certain nombre de processus de décision, ayant accru les pouvoirs législatifs et budgétaires. Ce qui ressemblait au départ à une Assemblée générale des Nations Unies plus qu’à un véritable Parlement est devenu au fil du temps une structure de plus en plus parlementaire.
Toutefois, il faut observer que la position d’Emmanuel Macron s’est plutôt affaiblie depuis son élection en 2017 : le mouvement des gilets jaunes a nui à son aura internationale. Dans ces conditions, il n’est pas certain que la logique intergouvernementale soit la bouée de sauvetage rêvée par les dirigeants français.
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