La Serbie, enjeu des rivalités entre Europe et Chine selon Maxime Boskov

Etat candidat à l’adhésion à l’Union européenne et pivot des Balkans, la République de Serbie est courtisée par la République Populaire de Chine. Les Balkans sont un des nombreux champs d’affrontement entre intérêts européens et influence chinoise.

« Ceux qui sont experts dans l’art de la guerre, soumettent l’ennemi sans combat ». Sun Tzu, un des plus célèbres stratèges chinois, a depuis longtemps théorisé la victoire sans combat et l’emploi massif de la ruse. L’attitude chinoise dans sa communication et sa politique internationale peut être considérée comme agressive dans un monde désormais structuré par une nouvelle Guerre froide entre Etats-Unis d’Amérique et République Populaire de Chine. Cette activité inlassable de la Chine se manifeste tout particulière en Serbie et affecte directement l’Europe dans une région, les Balkans, qui est d’intérêt direct pour elle. La Serbie, courtisée par la Chine (cf. photo) est bel et bien un enjeu des rivalités de l’Eurasie.

Etats candidats et Etats potentiellement candidats

Une présence chinoise bien réelle

Depuis 2009 et la signature d’un accord de défense mutuelle, la Serbie et la Chine se sont fortement rapprochées. La coopération notamment économique entre les deux pays est en constante augmentation et se matérialise par des investissements chinois dans des infrastructures publiques (comme la voie ferrée qui va traverser les Balkans) ou le rachat d’entreprises à l’image des mines de Bor. La prise de contrôle des ressources à l’étranger semble donc devenir une habitude pour la Chine quand on pense en écho à la mine de Kvanefjeld (au Groenland). La présence de la Chine en Serbie n’est donc pas qu’un effet d’annonce mais une réalité. C’est l’ampleur de cette présence qui se doit d’être nuancée. La Chine n’est que le 3ème partenaire commercial du pays derrière l’Allemagne et l’Italie avec un peu moins de 10% des exports et des imports.

Les routes de la soie ferroviaires et les Balkans

Qui a soutient la Serbie contre la pandémie?

La pandémie de Covid-19 est un catalyseur des tensions comme des actions. Ainsi, pendant la crise, la Chine bien qu’ayant une responsabilité significative dans la pandémie n’a pas hésité à s’ériger en parangon de la coopération sanitaire sur les réseaux sociaux. Elle a donc largement communiqué sur son envoi de matériel médical ainsi que de médecins chinois en date du 22 mars et à destination de la Serbie. Suite à cet envoi, le Président Aleksandar Vučić a déclaré que la Chine aidait son pays à l’instar de l’Union européenne. Cependant la réalité de celui-ci et l’opportunité de la critique vis-à-vis de l’Europe doit être remise en cause par le contexte global, le manque de masques et les actions « individuelles » de pays membres de l’UE comme l’Italie qui a également épaulé les pays outre-adriatique.

La vocation européenne de la Serbie

Aleksandar Vučić est aujourd’hui conforté par une très large victoire (63%) lors des dernières élections du 24 avril a déjà réaffirmé sa dimension européiste. Cette position tournée vers l’Ouest ne peut être que confortée par l’apparent désir d’Europe de la population serbe qui en fait une priorité[1]. Par conséquent, le Président Vučić a toutes les raisons intérieures de se rapprocher de l’Union européenne. Enfin, les actions hostiles du Président Erdogan pousse également la Serbie dans les bras de l’Union Européenne. La Serbie a longtemps vécu sous la domination ottomane et l’histoire a laissé des stigmates encore présent. Avec l’omniprésence de l’Empire Ottoman dans le discours du Président Erdogan, la Serbie est en droit de s’inquiéter. Quel allié plus fiable que l’Europe peut espérer la Serbie contre la résurgence de la Turquie?

Le contexte intérieur et international serbe est favorable à la conclusion d’une trajectoire européenne. Cependant, la Serbie est le théâtre d’une lutte d’influence entre d’un côté la Chine et de l’autre l’Union Européenne. Son entrée future dans l’UE fait progressivement l’unanimité mais la proximité des pays balkaniques (comme d’autres) avec la Chine doit donc être questionnée.

Une Europe qui serait composée d’une part non-négligeable d’alliés de Pékin pourrait se révéler être un risque pour l’indépendance de l’Europe en matière diplomatique. Le pouvoir économique de Pékin sur ces pays octroyés par les multiples investissements et rachats chinois pourrait être un levier de pression pour les encourager à adopter des positions favorables à la Chine plutôt qu’à l’Europe. De surcroît, les réseaux sociaux et les médias financés par l’Etat chinois pourraient être une arme létale pour la souveraineté européenne.

[1] Sondage commandé par la fondation Open Society et réalisé fin 2018.