Le groupe de Visegrad, ou V4, est un groupe influent au sein du débat européen. Le Med7 peut-il progresser sur cette voie ?
Eurasia Prospective : Quelle est la logique de ce rapprochement ?
Florent Parmentier : Le Med7 est une alliance informelle rassemblant 7 pays du Sud de l’Europe aux racines gréco-latines autour de la Méditerranée : la France, l’Espagne, le Portugal, l’Italie, la Grèce, Malte et Chypre. Elle a été réunie pour la première fois en septembre 2016 à l’initiative du premier ministre grec Alexis Tsipras.
La première chose qui frappe est le choix des pays : le Portugal est un Etat latin, mais n’a pas d’accès à la Méditerranée ; à l’inverse, deux Etats méditerranéens, la Croatie et la Slovénie, slaves, n’en font pas partie ; enfin, un Etat comme la Roumanie, de culture latine, n’est pas non plus convié.
La France y a une place spécifique : Etat le plus au nord, mais en lien avec ces pays via sa façade méditerranéenne (et atlantique). Elle est confrontée, comme d’autres, au problème migratoire venant par la Méditerranée. On se souvient par ailleurs que la France, sous Nicolas Sarkozy, a été à l’origine de l’Union méditerranéenne, dont les résultats ont été décevants. Le Med7 se situe à un niveau différent, d’influence au sein des institutions européennes.
Eurasia Prospective : La comparaison avec le groupe de Visgrad est-elle valable ?
Florent Parmentier : ensemble, les 7 pays pèsent l’équivalent de 40% du PIB européen. Leur poids au sein des structures est donc certain, mais plusieurs de ces Etats ont connu des crises économiques majeures – la sortie de la Grèce de l’euro était envisagée il y a quelques années – ou sont en déficit chronique – comme la France. L’économie italienne a également été largement fragilisée.
La fonction de ce type de groupe a pour fonction de définir des déclarations communes, en amont et en aval des Sommets, sur des sujets d’intérêt commun, en matière de politique économique, sociale, migratoire ou encore de défense. Sur ce plan là, le V4 et le Med7 sont comparables.
Toutefois, comparé au V4, le manque d’unité du Med7 semble le caractériser : il suffit de se souvenir de la divergence entre la France et l’Italie en février 2019, avec rappel d’ambassadeur, les deux principales économies du groupe, pour s’en convaincre. Il est vrai que le V4 a trente ans d’histoire commune, là où le V4 ne date que de 2016.
Cela ne veut pas dire que des divergences au sein du V4 n’existe pas : sur la Russie, la Pologne est parfois plus alignée avec les pays Baltes qu’avec ses homologues du V4 ; sur l’Ukraine également ; la défense du charbon par la Pologne est aussi singulière, etc. Mais ces Etats ont acquis une visibilité sur quelques sujets importants, en commençant par l’adhésion à l’OTAN et à l’Union européenne, puis la question des migrants.
De ce point de vue, le Med7, par sa jeunesse, reste embryonnaire.
Eurasia Prospective : A quelle condition ce groupe peut-il prendre davantage d’importance ?
Florent Parmentier : Le groupe doit trouver sa valeur ajoutée dans le débat européen. Il n’a pas vocation à remplacer d’autres alliances – le duo franco-allemand, ou le triangle de Weimar (France – Allemagne – Pologne).
On peut avancer que le Med7 doit, pour s’imposer, faire l’objet de rencontres au haut niveau plus régulières – un point fort du V4. Aussi, le V4 met l’accent sur des coopérations au sein de ce groupe, jusqu’à la création de plusieurs médias en ligne spécifiques. Le V4 est devenu une « marque » efficace, la reconnaissance du Med7 est encore beaucoup trop confidentielle, tant pour l’opinion publique que pour les élites politiques. Enfin, il manque peut-être au Med7 un projet ambitieux : la pacification de la Méditerranée orientale, dans le contexte de tension avec la Turquie, est une mission importante. Cela suppose de maintenir une fermeté tout en laissant possible un dialogue avec un pays important – une fois la phase de tension passée.